En République tchèque, le président Vaclac Klaus, président de l'UE dès le 1er janvier, est une telle caricature de sa mégalomanie que ses compatriotes se posent cette question : quelle est la différence entre Klaus et Dieu ? Réponse : Dieu, lui, ne pense pas qu'il est Klaus. Dans le catalogue des dirigeants mégalomaniaques, le président tchèque ne fait pourtant que pâle figure. Mais que sont, alors, les monarques, empereurs, maréchaux, généraux et tous les autres chefs d'Etat ? Ils ont le pouvoir et la puissance, ils ont l'argent et la richesse. Chacun est donc un dieu sur le territoire où il règne ! “Ah bon ?”, va pourtant s'étonner une race de créateurs qui sont connus pour autre chose que leur lâcheté ! Tous ces puissants ne sont à leurs yeux que de “simples marionnettes s'agitant dans le théâtre du monde”. Et quelle est donc cette race d'effrontés insoumis qui tournent au ridicule le pouvoir de ces puissants en s'en réjouissant, de surcroÎt avec une désopilante désinvolture ? Vous l'aurez deviné : ce sont bien sûr les caricaturistes. Depuis la création, en 1829 par le Français Charles Philippou, des premiers journaux satiriques, le dessin de presse a fini par s'imposer comme le baromètre de la liberté d'expression. Pour attirer l'attention sur l'importance de ce sang qui irrigue les vaisseaux démocratiques, une bibliothèque parisienne a décidé d'organiser une exposition sous la forme d'un tour du monde du dessin de presse. Le 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme en a offert l'opportunité. Sous le titre “Permis de croquer”, l'exposition offre 250 dessins réalisés par 28 artistes de 19 nationalités. La presse algérienne est représentée par Ali Dilem de Liberté, une figure désormais incontournable du paysage, plusieurs fois primé à l'échelle internationale, ainsi que le “Hic” du Soir d'Algérie. L'exposition est le fruit d'un projet de Plantu qui habille tous les jours la une du quotidien français Le Monde. Avec d'autres dessinateurs, et le soutien de l'ancien secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, Plantu a mis sur pied la fondation Cartooning For Peace (dessins pour la paix). Objectif de ces empêcheurs de laisser régenter le monde en toute tranquillité : “utiliser le dessin de presse humoristique et la caricature pour œuvrer à la paix, en fustigeant toutes les intolérances et en construisant un pont entre les peuples avec la seule arme du crayon.” “Permis de croquer” se propose de montrer que le dessin de presse et la caricature, “moyens d'expression libre et de communication immédiate, sans barrière linguistique, sont un formidable outil au service de la tolérance et de la compréhension mutuelle entre les hommes”. L'exposition s'articule autour de cinq grands thèmes : “Délits d'humour”, “Affaires d'Etat”, “Portraits des puissants”, “Le choc des cultures”, “SOS Terre”. Lorsque le gouvernement algérien a annoncé triomphalement une baisse du taux de chômage dans le pays, “HIC” illustre cette mauvaise foi par une escadrille de harragas qui tentent de traverser la Méditerranée à bord de leurs dérisoires embarcations. Autant de demandeurs d'emploi qui contribuent en effet à faire baisser le chômage. Lorsque les émeutes font sortir dans les rues des hordes d'affamés agitant symboliquement cuillères et couteaux, Dilem met face à eux un policier brandissant sa matraque. La force du dessin est si prégnante que lorsque la presse a publié des photos d'Irakiens torturés dans la sinistre prison d'Abou Ghraïb, les sbires de George Bush sont soulagés. “Bof, tant que ce n'est pas des caricatures”, leur fait dire Dilem. Quand on évoque le sujet de la caricature, on ne peut s'empêcher de penser aux dessins de la presse danoise jugés par les intégristes comme une atteinte au Prophète de l'Islam. Et bien, Plantu promet que cela ne va pas s'arrêter. “On est là pour énerver les barbus de toutes les religions.” Juré ? A. OUALI