En lançant en 2001 la location-vente, les pouvoirs publics ne s'attendaient certainement pas à un grand engouement de la part des citoyens. Ceux notamment faisant partie de la classe moyenne. Liberté : 2008 qui s'achève est considérée comme une année charnière dans le plan quinquennal, particulièrement pour le secteur de l'habitat. Quelle situation pouvez-vous nous dresser au sujet de l'agence que vous dirigez ? Mohamed Khebache : Tout d'abord, je tiens à remercier votre quotidien pour l'intérêt qu'il porte à la question afin d'éclairer l'opinion. Pour ce qui est du programme des 55 000 logements location-vente que gère l'AADL, il y a lieu de savoir que jusqu'à la date d'aujourd'hui, 36 000 logements ont été livrés. Vers la fin du mois de janvier prochain, nous comptons livrer 5 000 logements, soit un total de 41 000 logements. Le reste, soit 14 000 logements, sera livré comme prévu d'ici la fin de l'année 2009. À noter que les intempéries qui se sont succédé durant cet automne ont créé une petite perturbation dans la cadence de certains chantiers. Le programme location-vente a suscité des préoccupations parmi les souscripteurs. En tant qu'acteur, quelle appréciation en faites-vous ? Vous me donnez là l'occasion de parler de ce programme que j'ai personnellement suivi dès son lancement. Vous devez savoir que comme toute nouvelle expérience, il n'a pas été aisé de le mener sans contraintes. C'est vrai que des sites ont enregistré des retards dans la livraison, que des problèmes ont, certes, créé des tensions. Mais en faisant la part des choses, il faut admettre que les programmes lancés dans le cadre de la formule location-vente sont une réussite. À ce jour, 36 000 familles sont logées dans des logements décents dotés de toutes les commodités nécessaires. Les bénéficiaires issus pour la grande majorité de la classe moyenne et qui ne pouvaient espérer accéder à un logement sont en tout cas satisfaits du produit. Des universitaires, des médecins, des fonctionnaires, des journalistes et des enseignants ne voyaient pas le bout du tunnel. Ce programme est venu à temps pour concrétiser leur rêve. De même que sur le plan environnemental et urbanistique, il y a un changement avec l'introduction notamment des immeubles à grande hauteur (IGH), ce qui, sur le plan technique, est une réussite. En matière de maîtrise d'ouvrage, ce programme nous a permis de côtoyer des entreprises d'envergure internationale et de profiter de leur savoir-faire et de leur expérience dans ce domaine. Désormais, l'expérience que nous avons capitalisée est mise à profit dans d'autres projets ambitieux. Pour ce qui est du retard que le programme a accusé, mes prédécesseurs, la tutelle et moi-même avions eu l'occasion de fournir les explications y afférentes, à savoir la mauvaise qualité des terrains mis à notre disposition (sol, topographie…), et je citerai à titre d'exemple les terrains de Bab Ezzouar 1 et 2 où nous avons été contraints de réaliser environ 3 000 pieux de 20 mètres de profondeur en moyenne, ce qui demande beaucoup de travail et de temps. Le séisme de 2003 nous a obligés de réviser toutes les études en fonction de la nouvelle réglementation parasismique concernant les wilayas du Nord, l'arrêt pendant une année des sites confiés aux entreprises chinoises en raison de la grippe (Sras) qui a sévi en Chine, bloquant l'arrivée des ouvriers. Ainsi que vous pouvez le constater, ce retard trouve une justification plausible. Ceci dit, nous avons tiré les enseignements de ces aléas et à l'avenir, nous pourrons éviter ces retards si de nouveaux projets nous sont confiés. En somme, je le répète encore une fois, le programme location-vente des 55 000 logements est une réussite, en témoignent l'engouement des citoyens exprimé par le nombre impressionnant de dossiers déposés auprès de l'AADL et le flux quotidien des demandeurs pour s'enquérir des suites réservées à leurs cas. Il faut reconnaître que les facilités accordées par l'Etat en matière de paiement du logement sont une aubaine qu'aucune autre formule n'aura égalée. Participer durant la première année à hauteur de 25% et le reste étalé sur 25 ans, admettez que c'est une occasion à saisir sans hésiter. Expliquez-vous... L'effort de l'Etat est considérable dans ce programme. En plus de la gratuité du terrain d'assiette, de la prise en charge totale des travaux de VRD, il y a la bonification du taux d'intérêt parce que le souscripteur rembourse à taux zéro ; la différence entre le prix de cession et le prix de revient est également à la charge de l'Etat. En plus des aides frontales, il existe d'autres aides que le citoyen n'arrive pas à percevoir et qui sont supportées par le Trésor public. Et qu'est-ce qui, selon vous, motive le changement de mission de l'AADL comme on a pu l'apprendre de la tutelle ? Cette question peut être posée à qui de droit, nous ne sommes que promoteurs. J'ai eu souvent l'occasion de dire que l'AADL est un instrument entre les mains des pouvoirs publics. Elle a été créée en 1991, soit 10 ans avant l'avènement de la formule location-vente. Sa mission consistait au départ et comme le montre son intitulé à l'amélioration et le développement du logement. L'essentiel est qu'aujourd'hui, nous avons pu, dans le cadre de la mission dont nous avons été investis, livrer les trois quarts du programme des 55 000 logements alors que nous nous apprêtons à livrer le reste, soit 14 000 logements, en 2009. Et que devient le programme des 65 000 logements ? Je pense que là aussi vous devez poser la question à la Cnep qui, à ma connaissance, est officiellement chargée de ce programme après son transfert de l'AADL. Les locataires se plaignent des pannes fréquentes des ascenseurs, du manque d'entretien dû à l'absence de femmes de ménage, du défaut d'éclairage extérieur ou encore de problèmes d'étanchéité... Les problèmes que vous posez trouvent généralement leur cause chez les locataires eux-mêmes. On nous signale souvent l'utilisation des ascenseurs à des fins autres que celles pour lesquels ils sont conçus, comme le transport de matériaux de construction ou des meubles très lourds. Ces produits, comme il ne peut vous échapper, sont susceptibles de détériorer le mécanisme des ascenseurs dont l'entretien, faut-il le rappeler, nous coûte très cher. C'est d'ailleurs dans cette optique que nous avons instruit les gardiens d'immeubles de ne faire fonctionner qu'un seul ascenseur à la fois en attendant que les locataires terminent leurs travaux. Ces appareils nécessitent qu'on prenne soin d'eux et de ne pas les laisser à la merci des enfants qui en font un jouet. Pour ce qui est de l'étanchéité, je pense que les cas posés sont dus essentiellement aux antennes paraboliques que les locataires installent sur la terrasse en creusant des trous de fixation sans réfléchir aux conséquences. De toutes les manières, les entreprises prestataires de services ont mis à la disposition des locataires une permanence pour la levée des réserves. Il se peut aussi que le problème provienne, comme je le disais plus haut, du voisin qui a effectué des travaux mal faits. Quant à l'éclairage extérieur des sites, il est du ressort de la commune dans la mesure où le branchement est fait à partir de la ligne de moyenne tension de la ville. S'agissant enfin des femmes de ménage, seuls les sites livrés récemment et donc non entièrement occupés n'en sont pas pourvus. Néanmoins, le gardien d'immeuble doit veiller au bon entretien des lieux en sensibilisant les locataires. D'ailleurs, l'un des mérites de la mission de l'AADL est d'avoir réhabilité la fonction de concierge ainsi que celle de gérant de site. Pour la maintenance des ascenseurs et les femmes de ménage, nous avons délégué des entreprises en relation directe avec le gérant de site. Partir de 2009, une note d'information relative à la distribution des dépenses sera accrochée chaque mois au niveau de tous les immeubles d'un site. Les locataires prendront ainsi connaissance de tous les frais générés par les différentes opérations d'entretien des ascenseurs, des grosses réparations, de la peinture des façades ou autre. On vous laisse conclure... Si vous le permettez, je voudrais bien revenir sur le concours précieux des locataires sans qui notre mission ne saurait être complète. Les logements dont ils ont pris possession ainsi que les commodités complémentaires ont coûté cher à l'Etat et des années d'étude et de réalisation. Il leur appartient en conséquence d'en prendre soin afin qu'ils restent dans le meilleur état possible et pouvoir en profiter le plus longtemps. Pour notre part, si quelques erreurs ont été commises, la volonté de bien faire a toujours été notre devise. Les enseignements sont tirés de cette première expérience pour mieux faire dans d'autres missions et d'autres projets Inch'Allah. Les chiffres de l'AADL Jamais après l'expérience Cnep des années 1970 et 80 une formule n'avait réussi à intéresser un nombre aussi important de demandeurs. Dès le lancement de l'opération en août 2001 par l'Agence nationale de l'amélioration et du développement du logement (AADL), près de 200 000 fiches de souscription ont été retirées en une semaine pour une offre ne dépassant pas 55 000 logements répartis sur 24 wilayas dont 20 000 au niveau d'Alger. Cependant, le démarrage à grande pompe des deux programmes (2001 et 2002) s'est essoufflé au bout d'une année, entraînant un arrêt des chantiers lié, d'une part, à la hausse des prix des matériaux de construction et, d'autre part, au problème des ouvriers chinois bloqués dans leur pays à cause de la grippe asiatique. L'AADL devait connaître une période de navigation à vue de 15 mois durant laquelle la direction était assurée par intérim. Un cumul qui ne manquera pas d'influer sur la situation de l'agence, engendrant des mécontentements de souscripteurs au vu des retards enregistrés dans les livraisons prévues. D'aucuns commençaient à y voir la faillite dans cette œuvre inscrite dans le cadre du programme du président de la République. Au bout du compte et abstraction faite de ces aléas, les 55 000 logements location-vente seront livrés en 2009. La formule de l'espoir aura triomphé. Un tour d'horizon avec le DG de l'AADL, Mohamed Khebache. A. F.