Les observateurs du marché estiment que la baisse annoncée ne suffit pas à compenser le recul de la consommation mondiale qui souffre de la crise économique. Les experts très au fait du secteur de l'énergie s'accordent à dire que l'impact de la décision de réduction de 2,2 Mbj de la production de pétrole prise mercredi dernier à Oran par les pays membres de l'Opep ne sera pas perceptible dans l'immédiat. En termes plus clairs, la stabilité du marché, l'équilibre entre l'offre et la demande et l'arrêt de la chute des prix du baril, objectifs recherchés par les producteurs, ne seront pas réalisés dans les quelques jours qui viennent. Au contraire, la réaction du marché reste inchangée. Pis, les cours ont poursuivi leur dégringolade. Le prix du baril de pétrole coté à New York a touché hier en début d'échanges européens un niveau plus bas depuis quatre ans et demi, tombant à 35,62 dollars vers 9h30 GMT, un niveau qu'il n'avait plus atteint depuis la séance du 29 juin 2004. Après ce niveau plus bas, le baril de Light Sweet Crude pour livraison en janvier se stabilisait, cédant juste 4 cents à 36,18 dollars vers 10h GMT. Au même moment, à Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en février gagnait 64 cents à 44 dollars, après être descendu un peu plus tôt jusqu'à 43,42 dollars. Cette baisse à compter du 1er janvier, sur un objectif officiel de production de 27,3 millions de barils par jour, la troisième en quatre mois, est la plus importante baisse décidée par l'Organisation depuis l'introduction de quotas en 1982. Néanmoins, la récession des économies dans le monde n'a pas été sans conséquences sur le marché. Résultats des courses : la demande des produits pétroliers demeure faible voire presque inexistante. L'économie mondiale se dégrade de plus en plus. Ce qui par conséquent, explique que la consommation de produits pétroliers restera encore plus faible. Une chose est certaine, les observateurs du marché estiment que la baisse annoncée ne suffit pas à compenser le recul de la consommation mondiale, qui souffre de la crise économique. Du moins, pour un avenir proche. Réduire la production ne va pas changer les choses de manière sensible car le marché est focalisé sur la destruction de la demande. Ceci est constaté à travers les stocks de produits pétroliers qui ont progressé bien plus qu'attendu par le marché, la semaine dernière aux Etats-Unis. L'Agence internationale à l'énergie (AIE) a indiqué que la demande mondiale de pétrole aura reculé en 2008 pour la première fois depuis 25 ans. Et si l'AIE, qui défend l'intérêt des pays industrialisés, pense toujours que la demande va rebondir l'année prochaine, la plupart des observateurs, y compris le gouvernement américain, ne sont en revanche pas de cet avis. D'autres analystes avancent même une baisse des prix plus importante qui pourrait atteindre 30 dollars, soit un effondrement de presque 100 dollars depuis l'été dernier. Pour rappel, les cours, qui avaient dépassé 147 dollars le 11 juillet, ont perdu plus des deux tiers de leur valeur depuis. Et dans le cas où les prix poursuivraient davantage leur descente, ils remettraient en cause les investissements requis pour garantir un approvisionnement énergétique à moyen et long terme. L'Opep, qui s'attend désormais à une contraction de la demande en 2008 et 2009, a relevé que le volume de brut entrant sur le marché est supérieur à la demande actuelle. D'où l'urgence que ses membres appliquent la décision d'Oran et respectent les quotas qui leur sont réservés. Il est vrai que le nouveau challenge qui attend ces pays adhérents de cette organisation est l'application de la mesure. Nouveau défi pour l'Opep : application effective de la réduction Mieux, les autres producteurs non affiliés doivent, eux aussi, manifester un soutien actif. Ils gagneraient à mettre en exécution effective leurs promesses et ne doivent aucunement se contenter d'un appui passif d'autant plus que la récession a ravagé toutes les économies dans le monde. La problématique se situe plus précisément à ce niveau-là, c'est-à-dire à la mise en œuvre de la décision de réduction. Car, certains analystes avouent que les baisses de production annoncées précédemment n'ont été appliquées par ses membres qu'à hauteur de 50% à 60%. Et là aussi, les avis sont partagés. Chakib Khelil, président en exercice de l'Opep, a annoncé à quelques jours de la 151e réunion extraordinaire d'Oran que les décisions de réduction, notamment celle de novembre étaient appliquées à 85% par les pays membres. Chacun y va de sa propre analyse. Ce qui pousse les observateurs à dire que les opérateurs ne croient pas que la réduction réelle sera aussi importante que celle annoncée. Il faut attendre de ce fait l'évolution de la situation sur le marché pour connaître un tant soit peu les retombées de la décision. Encore faut-il également que les pays qui ont promis de mettre en application cette mesure, notamment la Russie et l'Azerbaïdjan, passent à l'acte. Lors de son intervention en marge d'une conférence à Londres entre pays producteurs et consommateurs de pétrole, Chakib Khelil a annoncé hier que l'Opep baissera sa production jusqu'à ce que les prix se stabilisent. “Nous poursuivrons cette réduction jusqu'à ce que les prix se stabilisent”, a-t-il affirmé. Grâce à une telle mesure, est-il escompté, les prix peuvent évoluer à la fourchette de 70 et 80 dollars le baril. “Cela prend du temps. Il faut qu'il y ait peut-être d'autres baisses à l'avenir”, a expliqué le président de l'Opep à la clôture des travaux de la réunion d'Oran. D'ailleurs, une autre réunion ordinaire est prévue le 15 mars à Vienne où il sera question de réexaminer le marché à la faveur de la nouvelle donne à savoir la réduction de la production. Toutefois, Chakib Khelil n'écarte pas la tenue d'une autre réunion avant celle du 15 mars. Si l'équilibre n'est pas atteint, d'autres réductions ne sont pas exclues, dira M. Khelil. Sur un autre registre, les prix du gaz étant indexés sur ceux du pétrole, ont perdu plus de 75% de leur valeur en cinq mois. En dépit de cette déception, le groupe Sonatrach, de la bouche de son P-DG, M. Mohamed Meziane, premier producteur de gaz de l'Afrique, confirme ses ambitions de consolider sa place de deuxième fournisseur européen de gaz, se développer sur le marché prometteur du gaz naturel liquéfié (GNL) et sortir du marché national pour tester ses capacités et ses compétences à l'étranger et tenter de concurrencer les grosses cylindrées dans le secteur de l'énergie privées. “Notre objectif est d'être la dixième compagnie au classement international des producteurs d'hydrocarbures”, confiera-t-il. Badreddine KHRIS