«Le couteau est dans l'os.» Ce vieil adage algérien résume bien le défi que constitue pour l'OPEP le volume de baisse de production pour stabiliser le marché et induire un renversement de la tendance baissière des cours. Le cartel est ainsi condamné à réagir énergiquement ; à surprendre donc en décidant une «coupe sévère» de sa production, selon la formule de Chakib Khelil, le président en exercice. Le contexte y est favorable : il y a un consensus sur une forte baisse de la production et un raffermissement des prix stimulés par l'anticipation d'une réduction importante de l'Organisation et l'espoir d'un plan de relance vigoureux de la nouvelle administration américaine. Le brut a également été soutenu par le rebond significatif des Bourses d'actions, porté justement par les perspectives de relance de la première économie mondiale. En outre, en termes de respect des décisions, la donne a changé même pour les traditionnels indisciplinés comme l'Arabie saoudite. Ce grand pays producteur, qui n'a pas attendu la réunion d'Oran pour exécuter la baisse de sa production, a averti ses principaux clients que ses livraisons de pétrole allaient diminuer. Les marchés, qui apprécient systématiquement toute décision du royaume, ont notamment trouvé quelque réconfort dans son annonce de réduire davantage ses livraisons aux raffineries asiatiques. Et comme tout se joue souvent sur la psychologie, la réunion d'Oran se tiendra en présence de la Russie, invité surprise avec d'autres pays comme l'Azerbaïdjan, la Syrie et le sultanat d'Oman. La participation inédite de Moscou, représenté à un haut niveau par son vice-Premier ministre chargé de l'énergie, est d'autant mieux interprétée par le marché que le président Dimitri Medvedev a laissé entrevoir la possibilité d'une adhésion à l'OPEP. Certes, la Russie n'est pas encore prête à intégrer le groupement des pays producteurs du fait de l'inadéquation de son système de quotas avec ses propres intérêts. Toutefois, l'effet d'annonce en soi, l'idée même de travailler en concertation avec les pays de l'OPEP et d'envisager une régulation pour stabiliser les cours constitue déjà un signal fort pour les marchés. Réceptifs, ceux-ci ont d'ailleurs commencé à se préparer à l'annonce d'une réduction importante de la production de l'OPEP. Les déclarations de Chakib Khelil sur une inévitable «coupe sévère» de la production et les propos du ministre du Pétrole libyen Choukri Ghanem selon lesquels l'organisation procéderait à une réduction substantielle lors de sa réunion d'Oran ont renforcé la possibilité d'une baisse qui serait vraisemblablement de l'ordre de 2 mbj. Alors que, la semaine dernière, les marchés semblaient mettre en doute la capacité du cartel à appliquer les baisses de production, de telles annonces renforcent assurément sa crédibilité. Signe tangible, l'Arabie saoudite a réalisé en novembre la plus forte diminution de production, passant de 9,4 mbj à 8,9 mbj en un mois, mais avec toujours 400 000 bj d'excédent. Quant au Koweït et aux Emirats arabes unis, ils ont, sur la même période, réduit leur production de 100 000 bj et 150 000 bj respectivement, celle des seconds étant attendue en plus forte baisse à cause de la maintenance des puits de pétrole. La production du Nigeria a, elle, diminué de 50 000 bj après de nouvelles attaques contre les installations pétrolières dans le delta du Niger. L'Angola, l'Equateur et l'Indonésie qui s'apprête à quitter l'OPEP à la fin de l'année, ont laissé leur production inchangée. L'Irak, bien sûr, est exclu du système des quotas de production. Il reste alors à convaincre le Mexique et la Norvège qui doivent appliquer leur intention de réduire leur production. En guise de production, le volume OPEP global a reculé de 880 000 bj en novembre, ce qui laisse à l'organisation une marge pour atteindre le quota fixé lors de sa réunion d'octobre à Vienne, soit la barre de 1,5 mbj, effective début novembre. Au cours du même mois, les producteurs OPEP ont pompé 31,38 mbj. La production globale, à l'exclusion des volumes de l'Indonésie et de l'Irak, a ainsi diminué de 950 000 bj, portant la production des 11 autres pays membres à 28,16 mbj. Demeure donc un excédent d'offre de 852 000 bj à retirer des marchés si les pays de l'OPEP veulent déjà réduire la production à la limite de 27,308 mbj fixée lors de la réunion d'urgence dans la capitale autrichienne, le 24 octobre. Ces baisses, minimales par définition, ne sont même pas proches des estimations des coupes nécessaires à l'OPEP, ne serait-ce que pour se maintenir au niveau d'une demande en baisse rapide. L'OPEP est, in fine, condamnée à une réduction drastique de sa production qui ne devrait pas être inférieure à 2 mbj. Pour espérer une inflexion du marché, elle doit inéluctablement prendre une décision forte. D'autant plus importante qu'une pluie d'annonces avait confirmé la semaine dernière la gravité de la crise financière et économique mondiale en Europe et aux Etats-Unis. Crise qui révèle par la même occasion un ralentissement marqué de la croissance dans les pays émergents sur lesquels les marchés comptaient jusqu'alors pour compenser le déclin de la demande dans les pays les plus industrialisés. L'ensemble, comme le soulignent les experts, présage une contraction inéluctable de la demande pétrolière en 2009. N. K.