Photo : Sahel De notre envoyé spécial à Oran Youcef Salami Une réduction d'envergure, c'en est une, la décision prise hier par l'OPEP au terme d'une conférence extraordinaire très attendue, tenue à Oran et à laquelle ont participé les onze pays membres, plus la Russie, l'Azerbaïdjan, Oman, la Syrie, et consistant à retirer des marchés 4,2 millions de barils par jour à partir de janvier 2009. Ce volume, ce sont les 2,2 millions de barils par jour, décidés hier à l'issue de la réunion d'Oran, plus la réduction d'octobre dernier, plus les surplus retirés des marchés depuis septembre 2008. La production de l'Organisation pétrolière s'établira ainsi, à compter de janvier 2009, à 24,8 millions de barils par jour. Chaque pays opérera cette baisse selon son quota, a souligné le ministre de l'Energie et des Mines et président de l'OPEP au cours d'une conférence de presse qu'il a animée à la fin de la rencontre des ministres. L'Algérie, a-t-il dit, va tailler dans ses quotas à hauteur de 200 000 barils par jour. Cette décision semble à la mesure des défis qu'impose le marché. Elle était en fait dans l'air depuis que la chute des cours a pris des proportions inquiétantes. La production OPEP s'établira dès janvier à 24,8 mb/j Il y avait un consensus autour de la réduction dans le carré des pays membres de l'organisation. La baisse de la production gagnait en maturité au fur et à meure que s'approchait la rencontre d'Oran. Tous les ministres de l'OPEP ont avancé, avant leur arrivée à Oran, que l'organisation n'a pas d'autre choix que de baisser sa production. L'Iran, deuxième producteur de l'OPEP, a déclaré, par la voix de son ministre du Pétrole, qu'il demanderait, lors de cette réunion extraordinaire d'Oran, une réduction de 1,5 à 2 millions de barils par jour de la production. Notre position est de demander une réduction de 1,5 à 2 millions de barils par jour de la production de l'OPEP, a affirmé le ministre du Pétrole, Gholam Hossein Nozari. Ce faisant, l'organisation allait tenter de soutenir les cours du pétrole déprimés par la chute de l'activité économique mondiale exacerbée. Les Iraniens estiment qu'avec cette réduction, l'OPEP pouvait créer un équilibre entre l'offre et la demande sinon, au cours du premier semestre 2009, «elle devrait faire face à une offre supérieure à la demande. L'offre viendra alors gonfler les stocks et, à l'été 2009, nous ferons face à une nouvelle chute des prix», a-t-il souligné. C'est un raisonnement qui se tient, une analyse que beaucoup de ministres de l'OPEP partagent. Le secrétaire général de l'organisation, Abdallah El Badri, est de ceux-là. Début décembre, il avait déclaré que l'organisation allait décider d'une réduction majeure de son offre pétrolière à la réunion d'Oran. Si nous constatons que le marché se détériore, nous procéderons à une action majeure en Algérie et partout ailleurs quand cela sera nécessaire, avait dit El Badri. La demande est en recul pour la première fois depuis 25 ans, le baril de brut a perdu plus de 70% de sa valeur depuis les sommets de l'été. Il valait alors près de 150 dollars. C'est une des conséquences de la crise financière mondiale. Le secrétaire général de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole a reconnu, dans ces déclarations, que le marché était «trop approvisionné», signe que l'OPEP pourrait baisser sa production prochainement. Interrogé par des journalistes sur la situation du marché pétrolier, il a répondu que les stocks étaient «élevés et le marché trop approvisionné». Il a cependant ajouté que «c'est aux ministres de décider», en allusion à la rencontre d'Oran. El Badri a expliqué que les stocks de pétrole des pays industrialisés de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) représentent 55 jours de consommation, ce qui est trop pour l'OPEP. De son côté, le ministre saoudien du Pétrole Ali Al Naimi, arrivé à Oran mardi en début d'après-midi, a fait une déclaration peu attendue, soulignant que l'organisation devrait réduire sa production de brut d'environ deux millions de barils par jour. Il a nuancé cependant qu'elle pourrait le faire «en étape». Et d'expliquer que nous savons que l'offre excède toujours un peu la demande, que les stocks sont à des niveaux plus élevés que la normale. Donc, pour équilibrer les choses, il y aura, lors de cette réunion, une baisse de deux millions de barils par jour environ, a-t-il dit. 500 000 à 600 000 b/j de réduction pour les non OPEP Et les producteurs non OPEP ? Ceux-ci devraient aussi réduire leur production, dans une proportion de 500 000 à 600 000 barils par jour. L'Azerbaïdjan, pays non OPEP, qui s'intéresse à des projets pétroliers et surtout gaziers avec l'Europe des Vingt-sept, est disposé à tailler dans sa production à hauteur de 300 000 barils par jour, en soutien à la décision de l'OPEP, tranchée à Oran. L'Azerbaïdjan, c'est 8 000 barils par jour en termes de production. Et il y a la Russie. Celle-ci fait parler d'elle, après qu'elle eut affiché son intention d'intégrer l'OPEP. Face à la dégringolade des prix, le président russe Dmitri Medvedev a annoncé jeudi dernier que, pour «défendre ses intérêts», son pays n'excluait plus de rejoindre les rangs de l'OPEP. L'Organisation pétrolière, qui représente actuellement environ 43% de la production mondiale de brut, contre 12,6% pour la Russie, s'est toujours dit prête à accueillir la Russie dans ses rangs, convaincue de voir son influence considérablement renforcée avec l'arrivée d'un tel poids lourd. Lors de la conférence de presse sus-évoquée, une série de questions ont été posées au président de l'OPEP sur la position des Russes. Celui-ci a invité les auteurs des questions à les poser aux Russes qui se sont montrés peu bavards. Les membres de la délégation russe n'ont pas dit un mot sur l'attitude qu'ils comptent adopter. Libre à eux de soutenir ou de ne pas soutenir les décisions de l'OPEP, a souligné Chakib Khelil au cours de cette conférence de presse. Indépendamment des divergences de vues entre pays OPEP et non OPEP, l'organisation que dirige le ministre de l'Energie et des Mines est appelée à maintenir la cohésion en son sein et à faire respecter les décisions de réduction qu'elle est en train de prendre. C'est primordial, car le marché ne réagit qu'à des mesures réfléchies, correctement appliquées. Et les membres de l'OPEP le savent et l'ont noté au cours de la conférence d'Oran. Aussi, ils se sont décidés à résorber le surplus en pétrole sur les marchés, parce qu'il y a des pays qui surproduisent et qui s'éloignent de la ligne de conduite imprimée à l'organisation. De même qu'ils doivent trouver le bon équilibre entre l'offre et la demande, bien que ce soit très difficile au vu de la fluctuation des marchés aujourd'hui. Selon le dernier rapport de l'OPEP sur la demande pétrolière, diffusé mardi 17 décembre, la demande mondiale de pétrole devrait reculer cette année et la chute s'accélérer en 2009, engendrant de nouvelles pressions à la baisse sur les prix. C'est un document qui tient compte de la récession économique des pays riches. Pour 2008, la demande de pétrole a été réduite d'une estimation initiale de hausse de 1,3 million de barils par jour (mbj) à un recul de 0,1 mbj pour s'établir à 85,83 mbj, est-il écrit dans le document de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole. La chute de la demande devrait encore s'accélérer en 2009 avec une nouvelle baisse de 0,2% en raison de la récession dans les pays occidentaux. La dégradation de l'économie dans les pays de l'OCDE réduira, selon les estimations de la demande mondiale totale de pétrole en 2009, de 0,15 mbj, soit 0,2%, à 85,7 mbj, y est-il souligné. Si la crise persiste, la demande de pétrole baisserait davantage Dans son estimation publiée la semaine dernière, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) avait, elle aussi, pronostiqué une baisse (-0,2 mbj) de la demande de pétrole en 2008, la première depuis 25 ans. L'AIE avait toutefois relevé que la demande croîtrait à nouveau de 0,5 mbj dès l'année prochaine. Pour l'OPEP cependant, le recul de la demande dans les pays de l'OCDE sera tel (-1,3 mbj) qu'il ne parviendra pas à compenser les hausses attendues, notamment en Chine et au Moyen-Orient. Si la situation économique mondiale devait continuer à se dégrader et l'hiver à être plus doux que prévu, la demande de pétrole pourrait baisser encore davantage, rapporte l'OPEP. Cette dernière avait déjà sérieusement révisé à la baisse ses prévisions pour 2008 et 2009 dans son dernier rapport en novembre, mais tablait encore sur des hausses de, respectivement, 0,33% et 0,57%. L'OPEP a précisé qu'elle tablerait sur de nouvelles pressions à la baisse sur les prix ces prochains mois en raison de la crise ainsi que de la normalisation de l'activité des raffineries, notamment aux Etats-Unis. Le sentiment baissier des marchés de produits pétroliers est susceptible de persister dans les prochains mois, engendrant encore des pressions tant sur les prix du brut que des produits, estime l'organisation. Les marchés pétroliers, à l'écoute de la rencontre d'Oran, semblent avoir anticipé sur la décision prise par l'organisation. Du coup, les prix se sont légèrement repris. Ils tournaient en valeur autour de quarante-cinq dollars le baril.