L'appui des principaux pays non-Opep risque de faire défaut dans cette entreprise de contrôle du marché par les producteurs, entretenant la spirale baissière en termes de prix du pétrole amorcée en septembre dernier, et qui risque de se prolonger au-delà de 2009. Une délégation russe forte de 21 membres était présente à Oran le 17 décembre pour participer à la réunion de l'Opep, qui devait décider d'une réduction importante de sa production à même de faire remonter les cours du pétrole qui se situaient avant l'événement à plus de 40 dollars le baril. Elle était conduite par le vice-Premier ministre chargé de l'Energie, Igor Setchin, et le ministre de l'Energie Sergei Shmalko. À la veille de la réunion, Moscou laissait entendre qu'elle allait adhérer à l'Opep. “La délégation russe viendra à Oran pour soutenir une action de l'Opep en vue de stabiliser le marché et réduire l'offre de brut”, avait affirmé le ministre de l'Energie. Le président russe, Dimitri Medvedev, est allé plus loin. Il déclarait le 9 décembre dernier, lors de sa visite à l'Oural, que la Russie envisageait son adhésion à l'Opep pour défendre ses intérêts. “Nous devons défendre nos intérêts. C'est notre source de revenus, qu'il s'agisse de pétrole ou de gaz”, a-t-il ajouté, préconisant “de combiner une réduction de volumes de production de pétrole, une participation aux organisations existantes de fournisseurs, si nous pouvons nous mettre d'accord là-dessus. Je le répète encore une fois, c'est une question vitale pour notre pays et son développement”. Ces déclarations ont alimenté les spéculations. “L'entrée de Moscou au sein de l'Opep va porter la part globale de l'Organisation à plus de 53%”. Forte de ses 60 milliards de barils de réserves et une production de 8 millions de barils/jour, la Russie est un acteur incontournable de la scène énergétique mondiale. C'est le second producteur de brut dans le monde après l'Arabie Saoudite. La Russie étant membre, l'Opep se trouvera renforcée avec le contrôle de plus de la moitié de la production mondiale. Mais comment expliquer ce surprenant désir de rapprochement de l'Opep ? C'est que la croissance de la Russie est tirée par les revenus pétroliers et gaziers. Or, cette dernière est touchée par la crise financière mondiale. La baisse des prix du pétrole affecte ses revenus et risque de plomber la Russie dans la récession, d'où sa participation en force à la réunion d'Oran, espérant une remontée rapide des prix du pétrole. Le 17 décembre, le vice-Premier ministre russe annonce que Moscou veut seulement appuyer la décision de l'Opep de réduire de façon importante sa production. Elle entend réduire de 300 000 barils/jour sa production. Et la conditionne au maintien des prix actuels. “La question de l'adhésion de la Russie à l'Opep n'est pas à l'ordre du jour de la réunion d'Oran”, finit par déclarer le représentant russe. La position de la Russie à Oran a contribué à la chute des prix du pétrole Il faut aussi relativiser le poids de la Russie. Son influence est beaucoup moindre par rapport à l'Arabie Saoudite. Sur une production de 8 millions de barils/jour, une moitié est exportée, l'autre moitié est écoulée sur le marché intérieur. Il lui faudra beaucoup d'investissements pour non seulement réhabiliter les infrastructures de transport, mais également développer sa capacité productive. Avec les prix actuels, son objectif de produire 10 millions de barils/jour à l'horizon 2010 a de fortes chances de ne pas être atteint. En fin de compte, la Russie était surtout présente à Oran en tant qu'observateur. Elle a d'ailleurs demandé un statut d'observateur permanent au sein de l'Opep. Une étape avant son adhésion à l'Opep ? En tout cas, son annonce de réduction de production à Oran a fait aussitôt l'objet d'analyses dubitatives. Elle ne pourra pas baisser son niveau d'extraction l'an prochain, sa production étant en déclin selon des analystes. D'ailleurs, elle ne s'est pas engagée de manière ferme lors de la réunion à baisser sa production de 300 000 barils/jour. Autre incertitude, selon les mêmes spécialistes, Moscou ne peut imposer ses décisions aux compagnies privées en Russie, à l'instar de Lukoil, qui détiennent l'essentiel de la production pétrolière de ce pays. Et qui seraient libres de faire des coupes ou non sur le niveau d'extraction. En somme, l'attitude de la Russie à Oran avec des signaux peu clairs sur ses intentions a contribué à plonger les cours de pétrole sous la barre des 40 dollars, après la décision historique de baisser le plafond de production de l'Organisation de 2,2 millions de barils/jour. Si l'on suit ces analyses de spécialistes, les grands pays non-Opep — Russie, Norvège, Mexique — ne disposent pas de capacités leur permettant d'agir sur l'offre, leur production étant en déclin. Une tâche difficile attend donc l'Opep. Elle ne devra pas trop compter sur la solidarité de ces pays. Elle sera, en d'autres termes, contrainte d'opérer des coupes dans sa production sans quasiment l'appui des pays non-Opep. Au moment où elle a aura le plus besoin de convaincre les marchés de l'efficacité de ses décisions. Dans ce scénario, la défaillance de ces pays risque d'entretenir la spirale baissière en termes de prix du pétrole qui remonte à septembre dernier, et qui risque de se prolonger au-delà de 2009. K. R.