Quand le dollar chute, c'est la Turquie, l'Egypte et la Syrie qui sont les destinations préférées des Algériens. Quand c'est la valeur de l'euro qui s'écroule, la palme revient aux pays de l'espace Schengen, pour ceux qui ont le visa, ainsi qu'à la Tunisie et au Maroc. La crise financière et économique mondiale est en train de toucher la majorité des secteurs d'activité dont le tourisme. Les Algériens, qui ont l'habitude de voyager à l'étranger, savent que de la fluctuation des monnaies de paiement de leurs séjours, dépendent leur pouvoir d'achat et, partant, leur comportement en tant que consommateur. Si l'on prend la monnaie du “pays-destination” comme un critère de segmentation du marché touristique algérien émetteur, on peut dire qu'il existe deux marchés. Celui de la zone euro et celui de la zone dollar. La zone euro, c'est l'espace Schengen et les deux voisins le Maroc et la Tunisie. La zone dollar, c'est la Turquie, l'Egypte et la Syrie. Il y a une année, le dollar a connu une chute jamais connue auparavant par rapport à l'euro. Le pic de la crise a été atteint entre janvier et mai 2008. Du coup, les touristes algériens, habitués à payer en euro leurs prestations à l'étranger, ont constaté que le pouvoir d'achat de leur budget voyages est devenu plus important qu'avant sur la zone dollar. Mêmes les petits trabendistes, habitués à faire leurs marchés en France, en Italie ou en Espagne, se sont adaptés avec la nouvelle conjoncture en préférant l'axe Syrie, Egypte et Turquie. Seuls les déplacements dans le cadre du tourisme ethnique vers la zone euro n'ont pas été touchés. Mais, cela n'a pas empêché les compagnies aériennes de proposer des tarifs promotionnels jamais placés sur le marché. Bien que le dollar ait fini par prendre une certaine vitalité dès le mois de juillet, le flux de la clientèle des petits trabendos à destination de la zone dollar a été remplacé par celui des séjours de découvertes avec une clientèle séduite par les feuilletons turcs qui passent sur certaines chaînes satellitaires arabes. Durant cette période de crise du dollar, aussi bien les prix des produits de consommation, tels que les effets vestimentaires, que ceux de l'hôtellerie et de la restauration se sont effondrés. Les prix des billets d'avion, notamment depuis la Tunisie, ont suivi la chute avec un Tunis – Istanbul – Tunis cédé durant le mois d'avril dernier à 150 euros. Après le dollar, ce fut au tour de la valeur de l'euro de chuter. La crise a atteint la zone euro au moment des grands flux entre l'Algérien et la zone euro. Du coup, avec un euro faible, notre immigration, installée en France notamment, s'est retrouvée avec un pouvoir d'achat faible. De mémoire d'Algériens, jamais le tourisme ethnique ne s'est senti aussi mal que durant l'été 2008. La crise de l'euro, si l'on peut l'appeler ainsi, est venue accélérer un phénomène déjà constaté durant l'été 2007, à savoir, de moins en moins d'immigrés algériens passent leurs vacances d'été dans leur pays d'origine pour des raisons économiques, certes, mais aussi sociales et culturelles. L'été 2008, comme chaque saison estivale, est celui des grands départs des Algériens vers le Maroc et, surtout, la Tunisie, les deux autres pays que nous avons placés dans la zone euro pour des raisons de méthodologie. Conjugué au phénomène du Ramadhan, qui continuera à se pointer en été, 7 ans durant, le fort taux de l'euro, qui a dépassé le seuil des 120 DA, a dissuadé des milliers de touristes algériens, soit à franchir les frontières, soit à maintenir le même nombre des nuitées passer chez nos voisins par rapport à la saison 2007. “Cette année, la Tunisie est chère”, revenait souvent chez les touristes potentiels algériens en partance pour les stations de Hammamet, Sousse et autre Tabarka. La cherté du produit s'est manifestée à trois niveaux. Dans le premier, il y a le prix du forfait à payer, soit chez l'agent de voyage algérien, cas des voyages organisés, soit chez l'hébergeur tunisien dans le cas pour des séjours libres. En effet, comme il fallait s'y attendre, les professionnels tunisiens ont répercuté les effets de l'inflation sur le produit final afin de supporter les surcoûts liés à la dépréciation de la monnaie. Dans le second, il y a l'augmentation de l'indice des prix à la consommation que ce soit en Tunisie ou au Maroc (prix des denrées, de l'essence,…), que paie le touriste algérien hors forfait et hors structure d'hébergement. Enfin, au troisième niveau, on retrouve la plus importante, soit la dépréciation du dinar algérien par rapport à l'euro, la monnaie intermédiaire qu'utilise les Algériens lors de leurs déplacements à l'étranger. Avant d'acheter un séjour, l'Algérien achète l'euro qu'il échangera une fois dans le pays d'accueil. Ainsi, à l'inverse de ce qu'on peut croire, le marché touristique algérien émetteur, le plus important avec le Libyen dans la région, est élastique aux facteurs exogènes à l'économie nationale. Mourad KEZZAR