Le président Bouteflika n'a pas de projet de société pour l'Algérie. Ce n'est pas un de ses pourfendeurs qui le dit, mais bien lui-même. Dans un discours prononcé, jeudi dernier, au siège de la wilaya de Blida où, pour rappel, ses comités de soutien sous la férule du député Amar Saïdani avaient annoncé, en avril dernier, sa candidature pour la présidentielle 2004, le chef de l'Etat s'est trahi en avouant qu'il a pris les plus hautes fonctions de l'Etat sans avoir un projet clairement défini pour l'Algérie. C'est en tentant, en fait, d'expliquer le mécontentement de la classe politique, toutes tendances confondues, vis-à-vis de son action et de sa gestion des affaires de l'Etat que Bouteflika a été acculé à cet aveu. Il a expliqué, à cet égard, devant une assistance composée des membres du gouvernement, des corps constitués, des officiers de la 1re région militaire et des représentants de la société civile, qu'il a voulu être conciliant avec tous les courants politiques : “Nous avons travaillé sincèrement au profit de tous les courants nationaux sans préciser celui qui a été ma source et au sein duquel j'ai grandi”, a-t-il indiqué. C'est précisément cela qui a donné lieu à ces tergiversations et qui produit tant de blocages. Cela s'est manifesté dans la composante de la coalition gouvernementale constituée autour de son programme en 1999. Le chef de l'Etat avait, en effet, regroupé autour de lui des partis politiques inconciliables dans leurs fondements doctrinaux et programmes politiques (FLN, RND, MSP, RCD et Ennahda). Ces formations n'ont cessé dès lors de se livrer bataille autour de questions politiques fondamentales par rapport auxquelles Bouteflika n'a jamais osé trancher, à l'image de la réforme de l'école et de la révision du code de la famille. Ce qui explique, par ailleurs, l'absence de la concrétisation des réformes structurelles annoncées en grande pompe depuis 2000. En toute état de cause et au vu de la teneur du discours du président, l'on se demande comment Bouteflika peut prétendre à un second mandat sans toutefois trancher en faveur d'un projet de société. En outre et tout en indiquant que chacun des partis politiques s'est cru devoir exiger plus d'égards, Bouteflika avoue avoir une préférence particulière pour “le courant nationaliste”. Autrement dit, en faveur du FLN. Ce qui explique, par ailleurs, toutes ses manœuvres qu'il organise avec le duo Hadjar-Zerhouni pour s'adjuger le soutien du parti majoritaire pour un second mandat. En outre, le discours de Bouteflika intervient au lendemain de la sortie des archs lui demandant de s'exprimer clairement sur la plate-forme d'El-Kseur et plus précisément à propos de la légitimité de ses revendications. On s'attendait à ce que le chef de l'Etat se prononce sur cette question, mais il s'est contenté de déclarer : “La porte reste grande ouverte pour un dialogue constructif.” N. M.