Comme toujours, les islamistes demeurent les maîtres de la récupération politique. Après les grandes manifestations de l'ex-FIS en 1990 en faveur de l'Irak, quelques quartiers d'Alger ont été investis ce vendredi en faveur de Gaza. Et comme par hasard, toujours un certain… Ali Benhadj à la manœuvre. Le point de départ de ces manifestations, loin d'être spontanées, ont été les mosquées. Des fidèles et des militants islamistes ont été chauffés à blanc depuis une semaine, soit le début des raids israéliens sur Gaza, par des prêches analogues aux fortes mobilisations islamistes de l'époque où certains imams ont appelé au “djihad”, aidés par une couverture télévisée de l'ENTV qui flatte le lyrisme des mouvements islamistes et tout à l'honneur du mouvement Hamas palestinien. Comme par hasard, le point de départ des trois cortèges de manifestants s'est fait depuis trois mosquées “emblématiques” du mouvement radical islamiste. Véritables foyers salafistes, la mosquée El-bakun ala el-ahd (les fidèles au serment) d'Appreval, de Kouba, de triste mémoire qui a été le véritable quartier général de Benhadj et de ses acolytes durant les années 1990 et qui avait produit un nombre incalculable de terroristes du GIA. Son imam est d'ailleurs recherché pour avoir recruté un réseau de 11 kamikazes qui ont rejoint le GSPC. Un autre groupe a démarré à Belcourt, depuis les mosquées Khaled-Ibn-El-Walid et Omar-Ibn-el-Khettab qui ont été les fiefs du mouvement excommunicateur El-Hijra wa Takfir en 1989 et de l'envoi des premiers Algérois en Afghanistan. La dernière mosquée mobilisée se trouvant à Bab El-Oued, épicentre de l'ex-FIS, à travers la mosquée Essuna. Tout ce beau monde devait faire jonction à la Place des Martyrs, lieu de rendez-vous des militants islamistes en 1990 lors de la fameuse manifestation qui avait vu Ali Benhadj et Abassi Madani soutenir ouvertement Saddam Hussein qu'ils avaient auparavant critiqué de manière violente après l'invasion de l'Irak. L'influence des pétrodollars ayant apaisé leurs réticences. Cela va sans dire que ce qui se passe à Gaza est d'une cruauté sans pareille que seul Israël peut se permettre devant une communauté internationale complice par son silence. Certes, la mobilisation est nécessaire et l'Algérie n'a jamais été la dernière à soutenir la Palestine et l'Autorité palestinienne même quand personne ne levait le petit doigt au sein de la Ligue arabe. Mais la manière de reproduire les mêmes schémas de mobilisation et l'exploitation des sentiments et des émotions de gens sincères par les islamistes pour des causes nobles et fédératrices semblait avoir disparu depuis que l'ex- FIS a perdu sa guerre contre la République. Malgré la forte présence policière dans les axes d'Alger et l'interdiction officielle de manifester, selon les lois de l'Etat d'urgence, les islamistes ont à nouveau défié l'Etat. Ce qui pose la lancinante question de savoir si les salafistes sont aptes à se dissoudre dans la réconciliation nationale et les nombreuses concessions accordées à l'islamisme “pacifique” si tant est qu'il existe. Le cas d'Ali Benhadj est édifiant dans ce sens. Véritable star d'une certaine presse arabophone qui traque ses moindres mouvements et rapporte fidèlement ses gesticulations, Benhadj a été ressuscité par cette formidable opération de manipulation des consciences. Rien n'y fait. Ni les interpellations routinières de la police, ni les dix règles à observer édictées par le tribunal militaire de Blida à sa sortie de prison, ni le fait qu'il est devenu le véritable porte-parole d'Al-Qaïda Maghreb, le logo qui dissimule un GSPC en mal de recrutement et de ressources qui profite de cette exposition de Benhadj et le retour d'une salafia visible et provocatrice dans les rues d'Alger. Le même Benhadj qui a donné sa bénédiction en direct à la télévision Al jazeera pour l'exécution des deux diplomates algériens kidnappés par les groupes d'Al-Qaïda en Irak de Zarkaoui. D'ailleurs, Benhadj en rajoute une couche dans les différents communiqués qui ont préparé ces provocations. Dans l'un d'eux, il critique l'Algérie face aux bombardements sur Gaza : “La position de l'Algérie est honteuse et humiliante”, ajoutant que “les Algériens ressentent un réel étouffement de ne pas pouvoir descendre dans les rues”. Comme en 1991, lors de la dévastation d'Alger par des hordes d'extrémistes islamistes, Benhadj en appelle une nouvelle fois à la rue, au mépris de milliers de jeunes Algériens que ses prêches ont envoyés à une mort certaine. Il en est de même des slogans entendus lors de ces manifestations qui rappellent les tristes symboles des années FIS. Benhadj en a profité pour braver encore une fois la police qui l'a interpellé. Comme ces dernières semaines, son obsession est de retrouver son fils, Abdelkahar ; monté de son propre chef pour rejoindre les maquis des tueurs du GSPC à Boumerdès, également mis en vedette par une presse arabophone qui en a fait un symbole de la salafia. Un “people” dont le sort est devenu plus important que celui des victimes du terrorisme. Toute cette agitation, dont Gaza n'est que le paravent, vise, pour les islamistes, à entamer une reconquête de la rue longtemps délaissée. Reste à savoir pourquoi ces salafistes, si bouleversés par le drame de Gaza, n'ont pas dit un mot sur les morts des attentats kamikazes des Issers, de soldats de Dellys ou les civils assassinés lors du 11 décembre 2007 ainsi que ceux de l'attentat du palais du gouvernement. Pourquoi pas une manif en faveur des victimes civiles du terrorisme ou juste un rassemblement des sympathisants de Benhadj contre leurs amis du GSPC. Sinon, une toute petite condamnation du terrorisme. Mounir B.