Il est d'ores et déjà certain que la lutte serrée pour «récupérer» le n°2 de l'ex-FIS se déroulera là où on le pense le moins. La libération de Ali Benhadj, qui interviendra dans une quinzaine de jours, laissera du répit aux autorités algériennes au moins pour quelques mois. Car les joutes les plus serrées vont se jouer dans un premier temps, non pas entre Benhadj et le pouvoir, mais entre celui-ci et ses anciens compagnons. Qu'on en juge: le n°2 du parti dissous (en fait, il a toujours été le véritable n°1 et la figure emblématique du FIS) sortira de prison pour se retrouver en face de trois courants contraires qui s'en réclament. Il s'agit du groupe des concordistes (AIS, Boukhamkham, Rabah Kebir, Ould Adda, etc), de celui des salafistes (Ali Djeddi, Kamel Guemazi et tous ceux qui ont affiché leurs doutes, au sujet de ladite «concorde») et, enfin, le clan de Mourad D'hina, qui, à partir du minicongrès clandestin de Bruxelles, a tenté de faire main-basse sur les structures encore existantes du parti dissous. Ces trois courants, qui se sont lancé les accusations les plus graves, ont, chacun de son côté, tenté, par le passé, de se réclamer de la seule légitimité de Benhadj et du FIS, chacun usant de sa propre stratégie de propagande. Pour le groupe Boukhamkham-Kebir-Ould Adda et l'AIS (surtout l'AIS) leur légitimité réside dans le fait d'avoir concocté la concorde civile avec les autorités militaires (les patrons du DCE, du DRS, de l'ANP, et de la 1re Région militaire en savent quelque chose). Par la magie de cette seule démarche, ils pensent que le pays a retrouvé une certaine embellie sécuritaire, et s'en vantent à tout bout de champ. Pour le groupe des salafistes, constitué par le duo Djeddi-Guemazi, le fait d'avoir refusé toutes les compromissions, mérite récompense (une reconnaissance de Ali Benhadj, dans ce cas précis). Hachani, assassiné le 21 novembre 1999 en plein centre d'Alger, par un jeune exalté du GIA, Boulamia Fouad, était le chef de file de cette tendance, qui, depuis, a complètement dépéri. Le groupe de Mourad D'hina tire sa légitimité d'un double argument. Primo, il a été soutenu par Abassi Madani, le n°1 du parti dissous. Deuzio, la base islamiste a «plébiscité» la nouvelle direction entrante par une participation massive au minicongrès grâce à...l'internet. Bien entendu, ce «congrès virtuel» a fait grincer les dents des autorités algériennes et des deux premiers groupes. Pour la quasi-totalité des leaders du FIS originel, Hachemi Sahnouni, Ahmed Merrani, Djeddi, Guemazi, Boukhamkham, etc. le plébiscite de Dhina est une «autre tentative de la part des djazaâristes d'accaparer le parti». Le grand perdant de ce congrès bruxellois, a été Kebir, le chef de la délégation exécutive du FIS à l'étranger, qui s'est vu «dégommé» de toutes les représentations du parti. Ce qui a fait dire à certains que «toute cette parodie élective était destinée à faire tomber la tête de Rabah Kebir». Voilà en gros les contraintes auxquelles Benhadj sera confronté. On peut en ajouter d'autres, au moins deux. La première est la donne Abassi Madani, et la deuxième est celle liée aux groupes armés. Dans le premier cas, Madani, septuagénaire, malade et en fait, en fin de parcours politique, devra s'expliquer sur la carte blanche, délivrée unilatéralement à Dhina, ainsi que sur plusieurs autres points. Dans le second cas, il s'agit de se demander quelle incidence aura la libération de Benhadj sur les groupes armés, dont il a été, il y a deux ans, le grand gourou, et qui opèrent actuellement une poussée de violence effrayante (une soixantaine de citoyens et de policiers assassiné depuis le 22 mai). «Benhadj peut - et doit - atténuer toute cette tension et tous les contrastes. C'est la seule et dernière autorité de l'ex-FIS capable d'opérer ces changements», nous a dit, hier, un des leaders politiques du parti dissous.