L'Opep a bien fait de se donner davantage de temps avant de réduire sa production car l'Irak semble encore loin d'être en mesure de produire rapidement de grandes quantités de pétrole et les prix restent fermés, selon des analystes. Réunie mercredi pour un sommet extraordinaire dans la capitale qatariote, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a décidé de maintenir son plafond de production inchangé à 25,4 millions de barils par jour. Elle s'est également engagée à plus de discipline pour éviter de dépasser ce quota. Les ministres, qui avaient décidé début mars, à quelques jours à peine du début de la guerre en Irak, d'ajouter cette réunion à leur programme pour préparer son retour, ont visiblement été trop optimistes quant à la capacité de l'Irak à reprendre la place qui était la sienne dans l'Opep, c'est-à-dire celle de l'un de ses plus gros producteurs avec l'Arabie Saoudite et l'Iran. Doha devait être “une réunion pour baisser” la production, a rappelé mercredi le président de l'Opep, le ministre de l'Energie qatariote Abdallah ben Hamad Al-Attiyah, lors de la conférence de presse à l'issue de la réunion. Lui-même s'était fait depuis des semaines l'un des principaux avocats d'une réduction de la production. Au terme de deux jours de débats, l'Opep a finalement décidé de surseoir et de se réunir de nouveau le 31 juillet à Vienne afin de se faire une idée plus précise de la situation. Sans se prononcer sur le niveau d'exportations irakiennes à partir duquel l'Opep accentuerait sa surveillance, M. Al-Attiyah a prévenu que les discussions au sein du cartel s'intensifieraient si l'Irak parvenait à produire entre 1,5 million de barils par jour (mbj) et 2,5 mbj, son niveau d'avant la guerre. “Nous espérons toujours que l'Irak produise 2 millions de barils par jour à la fin de l'année. Il faut voir ce qu'ils peuvent arriver à produire, et peut-être qu'ils y arriveront”, a ajouté M. Al-Attiyah. À Bagdad, le responsable du pétrole irakien, Thamir Ghadhbane, a estimé que son pays pourrait produire 1,2 mbj en juin et retrouver son niveau de production d'avant guerre d'ici à la fin de l'année, soit 2,4 mbj, dont 1,7 à 1,8 mbj pour l'exportation. “Je pense qu'ils (l'Opep) sont un peu sceptiques” quant aux capacités de production de l'Irak, estime un analyste new-yorkais présent à Doha en marge de la rencontre. “Et probablement pour de bonnes raisons. Mais dès que l'Irak parviendra à une production de 2 mbj, et à des exportations de 1,5 mbj, l'Opep abaissera sans doute sa production”, ajoute-t-il. “Pour la stabilité de l'Opep et la gestion du marché, c'était probablement ce qu'il fallait faire. Cela montre qu'ils peuvent changer de politique à mi-chemin : en avril, ils pensaient que l'Irak serait de retour dès maintenant. Il ne l'est pas, donc ils ont changé. C'est bien. Je pense que le marché apprécie”, pense cet analyste. Barbara Shook, analyste du groupe Energy intelligence Group au Texas, est du même avis : “Ils n'avaient probablement pas le choix, c'est sans doute la décision la plus sage à court terme. Ils tentent de gérer le marché de manière fine”, soutient-elle, notant que le cartel “s'est réuni toutes les six à huit semaines depuis décembre”, soit considérablement, plus qu'il y a quelques années.