En cette fin d'année 1958, il y a 50 ans, notre village a été l'objet d'évacuation à la suite de la grande opération Jumelle. Ce qu'il faut retenir de cette tragédie est qu'un siècle avant, lors du soulèvement de nos ancêtres avec à leur tête le héros national El Hadj Mohamed Mokrani, ceux-ci ont subi la même tragédie après cette défaite contre l'ennemi, c'est-à-dire la perte de nos terres qui s'étendaient jusqu'à M'sila, soit plus de 500 000 hectares, d'après le livre de l'historien Benjamin Stora. En 1959, l'aârch de Beni Abbès a subi une énorme perte du fait de notre dispersion à travers tout le territoire national, de Tébessa à Oran, en tant que réfugiés. À titre d'exemple, je vous cite les villages du Douar Boni d'où je suis originaire, c'est-à-dire Kalaâ, Belaiel, Tiniri, Ath Seredj, Moka, Tazla et Ilougane, une population qui dépassait en 1959 le nombre de 20 000 habitants. Tous ces villages ont été évacués lors de cette opération Jumelle, lors de l'exode de 1959. Je rends hommage aux habitants de Bordj Bou-Arréridj qui nous ont accueillis dans leurs maisons, car nous étions des milliers à rejoindre cette wilaya parce que nous avons refusé de monter dans leur GMC pour nous emmener à Ighil Ali pour nous enfermer dans un centre. Nous avons préféré marcher 15 km de Kalaâ à Bouni jusqu'à Tizi Khemis à pied. Arrivés là-bas, nous avons loué des camionnettes pour nous transporter à Bord Bou-Arréridj où les habitants nous ont hébergés et nourris. Nous n'avons jamais oublié ce geste de solidarité. Nous avons espéré que l'Etat algérien se penche sur le sort de ces enfants qui ont tout perdu à la suite de cette tragédie et qu'il reconnaisse notre situation comme étant des réfugiés dans le pays, et qu'il nous accorde le titre de victime du colonialisme. De ce fait, l'Etat doit exiger de la France des dommages que nous avons subis, dommages moral et matériel du fait de la destruction de nos biens et de notre société, chose qui a causé notre éparpillement dans toutes les régions d'Algérie. J'estime, tout d'abord, que notre Etat doit nous reconstruire ce qui est détruit par les bombardements pendant que notre région était déclarée zone interdite par l'armée française. Victime de la guerre, nous sommes au droit d'exiger des indemnités, soit à l'Etat français, soit à l'Etat algérien, pour toutes les atrocités que nous avons subies. Enfin, nous pourrons dire que nous avons accompli notre devoir de génération en génération envers notre patrie qui mérite plus. Bouchachi Amar 8, rue Abdellaoui-Hadj Mostaganem