Près de trois semaines après le lancement de son offensive, le 27 décembre, les buts de guerre d'Israël, à Gaza, restent opaques. Mais la situation au Moyen-Orient devient de plus en plus claire. Ce que les Etats-Unis et les Israéliens veulent, c'est donner un nouvel élan au projet du “Nouveau Moyen-Orient”, dans lequel il n'y aurait pas de place aux résistances armées ou aux gouvernements qui ne savent pas dire oui, ni surtout à la renaissance d'un Etat palestinien. Le gouvernement israélien est, d'une façon ou d'une autre, acculé. Son génocide à l'encontre des Palestiniens de Gaza ne passe plus. Trop ! C'est trop ! crie à l'unisson la communauté internationale. L'ONU s'est rappelée ses fondamentaux après le massacre perpétré dans une de ses écoles. Le “grand machin” parle même de crimes contre l'humanité. Les régimes arabes, par contre, toujours en retard, continuent à s'enfoncer dans leur propre cul-de-sac. Face à la faucheuse israélienne, leur police ne peut plus contenir des populations prêtes à en découdre pour Gaza et pour le reste en filigrane. Les dirigeants arabes, plus coupés que jamais de leurs populations, ont vainement attendu un signe de Washington pour arrêter le bain de sang tout en formulant le vœu que l'Union européenne obtienne de la part de Tel-Aviv ne serait-ce qu'une trêve humanitaire dans l'attente que le nouveau président américain s'installe à la Maison-Blanche. D'ailleurs, ce à quoi les Palestiniens ne s'attendaient pas, c'était ce silence sidéral des régimes arabes. Dont la Ligue arabe qui s'est contentée de condamner ce que son inamovible secrétaire général appelle “l'agression israélienne”. Ou encore l'Egypte qui clone Israël en maintenant fermés les points de passage avec Gaza, violant le principe de secours à personnes en danger. Ou encore, l'Arabie Saoudite et ses alliés dans la région qui n'ont pas trouvé nécessaire de prendre des mesures capables de stopper l'agression israélienne. Leurs populations n'ont pas manqué de se demander pourquoi Hugo Chavez, si proche géographiquement des Etats-Unis à qui il vend la majeure partie de son pétrole, a-t-il pu prendre la décision de mettre fin aux relations diplomatiques avec “un gouvernement criminel, qui pratique sans vergogne et en toute impunité le terrorisme d'Etat”. L'Egypte, la Jordanie, la Mauritanie, le Qatar et le Maroc gardent, eux, précieusement les délégations israéliennes chez eux. Pourquoi les Arabes du Golfe continuent-ils à pourvoir Israël en pétrole et en gaz, tandis que les Palestiniens de Gaza en sont démunis et que beaucoup de blessés meurent, non seulement à cause du manque de médicaments, mais aussi de l'absence des sources d'énergie ? Question sans réponse, sauf à accréditer l'idée d'une gigantesque machination pour mettre au pas définitivement le monde arabe. D'où la détermination israélienne d'éradiquer toute notion de résistance dans cette région. En lançant une offensive contre Hamas, le dernier représentant de la résistance palestinienne, l'Etat juif poursuit une stratégie sur plusieurs fronts : militaire, politique, économique. L'opération “Plomb durci” a commencé avec des vagues de bombardements ininterrompus, sur le modèle de l'opération américaine “Choc et effroi”, menée en prélude à l'invasion de l'Irak en 2003. Ses frappes ont pulvérisé des édifices des années 1990 pour servir d'ossature au futur Etat palestinien. Israël dénia à l'Autorité palestinienne le droit de bâtir un port, de rouvrir son aéroport ou d'aménager un couloir routier avec la Cisjordanie. Des interdits qui empêchèrent toute reprise économique à Gaza et accélérèrent le discrédit du Fatah. Le retrait unilatéral de Gaza n'était pas destiné à faciliter l'accession des Palestiniens à l'indépendance. Au contraire même. Le chef de cabinet du Premier ministre d'alors, Ariel Sharon, avait prévenu : “Le désengagement fournit la dose de formol nécessaire pour qu'il n'y ait pas de processus politique avec les Palestiniens.” Le reste est connu, la victoire électorale de Hamas en 2006 fournit l'argument et le leitmotiv de Tel-Aviv : Israël est désormais le rempart contre le terrorisme islamiste. De fait, avant même janvier 2006, les Palestiniens de Gaza ont été privés non seulement des moyens de se gouverner mais aussi et surtout de moyens de leur survie. Israël boucle tous les points de passage à la moindre alerte. À partir de novembre 2008, l'étranglement du territoire palestinien atteint un niveau tel que les agences des Nations unies ne parviennent plus à faire entrer leurs convois d'aide humanitaire. Il ne restait plus que l'opération “nettoyage ethnique”. Ce qui se fait avec l'entrée le 4 janvier 2009 de colonnes de blindés à l'intérieur de la minuscule enclave palestinienne, après les bombardements massifs et incessants. Chercher des justificatifs comme la transition en cours à la Maison-Blanche, qui laisse les mains libres aux Israéliens, le calendrier électoral avec un scrutin législatif le 10 février prochain et pour lequel Tzipi Livni, chef du parti Kadima, et Ehud Barak, ministre de la Défense et dirigeant travailliste, auraient déclenché le massacre pour coiffer au poteau leur rival, Benyamin Netanyahu, patron du Likoud et partisan de la manière forte et qui caracolait en tête dans les sondages, c'est se cacher la vue et s'entêter à voir dans l'agression une action de salubrité. Les régimes arabes ont consenti pour se débarrasser de Hamas, qui donne des leçons de patriotisme et de nationalisme. D'autant que Hamas était boycotté par la communauté internationale et tenu à distance par ses rivaux du Fatah et la présidence de l'Autorité palestinienne. Tous ont vu tout faux. Hamas va certainement perdre la guerre militaire mais il a renouvelé son aura de résistant. Il a, d'ores et déjà, par son endurance, galvanisé les Palestiniens et les autres populations arabes autour de lui et démontré la vanité des manœuvres destinées à l'éradiquer brutalement. D. Bouatta