Le Haut conseil islamique a tenu encore, hier, à faire entendre sa voie en déclarant n'être ni pour l'abolition de la peine de mort ni pour son application systématique. Mahfoud Smati, membre du conseil supérieur de cette institution, pense que la peine de mort est “un nouveau concept”. Dans le Coran, on parle de Kessas qui arrête des cas dans lesquels on peut épargner la vie d'un présumé tueur. Quant il y a un doute, quand la famille ou les héritiers du sang pardonnent ou quand ces derniers acceptent la dia “compensation financière”. Il ajoute que “nul musulman ne peut se glorifier de la mort de quelqu'un. En islam, on ne condamne à la mort que sur la base de preuves irréfutables. Cela ne veut pas dire que les modernistes sont plus sensibles que nous. C'est faux. L'islam n'a pas fermé la porte. Il faut aller vers la jurisprudence. Mais ce n'est pas que parce que le condamné souffre dans sa cellule que je dois oublier les orphelins que la victime a laissés derrière elle”. Les Saoudiens sont également monté au créneau pour soutenir que l'abolition ou pas de la peine de mort ne doit pas se mesurer par le degré de développement et de démocratie et de rappeler à ceux qui pointe du doigt ce pays que les Etats-Unis, “un pays très développé n'a pas non plus aboli la peine capitale. Selon Resk Mekboul, un Saoudien, président de la commission des experts judiciaires au niveau de l'Organisation arabe du travail, la promulgation d'une loi pour l'abolition de la peine capitale doit se faire sous l'impulsion d'une expression populaire. Or, “si on demande aux Saoudiens s'ils sont pour l'abolition de la peine de mort, ils répondront non”, affirme-t-il. Le Jordanien ancien député Mohamed Arslane considère qu'il est du devoir de la société civile de “bouger pour changer les choses” tout en indiquant que dans la plupart des pays arabes, les enfants, les femmes enceintes et les personnes qui souffrent de troubles mentaux ne sont pas exécutés. Quant à la Marocaine Bouchra Khiari, elle soutient que son pays n'a appliqué la peine capitale que dans des cas exceptionnels et que les exécutions sont suspendues depuis 1993. “Ce moratoire de la peine de mort a suscité beaucoup de polémiques. Des voix s'élèvent parmi les militants des droits de l'Homme et la société civile pour son abolition.” Ces trois dernières interventions ont fait réagir le directeur régional de la réforme pénale internationale Tahar Boumedra. Il fait remarquer, premièrement, que l'Arabie Saoudite “est l'un des rares pays à fonctionner sans code pénal et sans cadre de procédures judiciaires qui puissent orienter le magistrat. Comment pouvez-vous donc lui confier la mission de condamner les gens ?”. Il se dit ensuite “très déçu par le Maroc qui n'a pas voté en faveur de la résolution onusienne portant abolition de la peine capitale”. Et de préciser : “Il y a 365 cas dans lesquels la peine de mort est prononcée au Maroc.” Enfin, il est d'avis qu'il existe des tentatives “très sérieuses par rapport à la réforme du système judiciaire en Jordanie. Le problème est que ce pays fonctionne avec un système réglementaire et un système tribal. Quand un condamné à mort est soutenu par sa tribu et sa famille, il est épargné, mais quand il ne l'est pas et donc ne peut pas payer la dia, il peut être exécuté. C'est une situation dangereuse, car la condamnation est liée à la situation sociale de la famille. Si tu es dépossédé donc tu seras condamné à mort”. Pour ce qui est des arguments des abolitionnistes, ils tournent autour du droit sacré à la vie, de l'erreur judiciaire et l'absence de garantie d'un procès équitable. Cette conférence régionale de deux jours s'est achevée, hier, par une série de recommandations axées essentiellement sur l'élargissement et l'approfondissement du débat. Nissa H.