Le débat autour de l'abolition de la peine de mort en Algérie n'est pas encore tranché. Les divergences sur le sujet ont marqué la première journée des travaux de la conférence régionale sur la réforme de la sanction pénale en Algérie et la mise en œuvre de la résolution des Nations unies portant moratoire sur la peine de mort, organisée par la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme à Alger (Cncppdh) et à laquelle ont pris part des avocats et des juristes algériens et étrangers venus des pays arabes et méditerranéens. Pour Me Farouk Ksentini, président de cette commission, « il est temps d'ouvrir le débat sur la peine de mort et de la substituer par d'autres peines, d'autant que l'Algérie observe un moratoire sur l'application de cette peine depuis 1993 ». Il a estimé, en ouvrant les travaux de la conférence, que l'objectif de celle-ci est d'apporter un éclairage théologique et philosophique, pour améliorer notre législation tout en prenant en compte le fait que l'Algérie soit un pays musulman, avec des spécificités culturelles et civilisationnelles. Me Ksentini a plaidé pour une modernisation de la législation algérienne, afin qu'elle soit en diapason avec les normes internationales. Pour lui, il est temps de trancher cette question. « Ou l'on maintient le moratoire et on laisse les juges prononcer encore des peines de mort ou l'on ose abolir cette peine en lui substituant d'autres sanctions ». Pour sa part, le professeur Tahar Boumedra, directeur régional de l'ONG Reform International, a mis en exergue le fait que l'Algérie soit le premier pays arabe à soutenir la résolution des Nations unies portant moratoire sur la peine de mort. Dans une déclaration à la presse, M. Boumedra a relevé qu'Israël n'applique pas la peine de mort à ses ressortissants, par exemple, mais elle exécute des Palestiniens en dehors des tribunaux. « Nous insistons beaucoup sur les pays arabes parce que nous savons que la majorité des peines capitales prononcées dans ces Etats sont politiques et également parce que la justice de ces pays n'est pas juste. » Intervenant au nom du ministère des Affaires religieuses, Youcef Belmahdi a indiqué qu'« il n'est pas » dans l'intérêt de l'humanité de supprimer la peine de mort, en soulignant que du point de vue religieux, le système de la réforme législative doit œuvrer dans l'intérêt de la société. Selon lui, les abolitionnistes prennent en considération uniquement l'intérêt de l'inculpé au détriment de la victime, alors que la conception de cette peine en matière religieuse est de sanctionner l'auteur pour le mal qu'il a commis et de faire en sorte que la société ne s'engage pas dans des opérations de vengeance. M. Belmahdi a conclu en disant que le point de vue du ministère des Affaires religieuses sur cette question sera connu au moment opportun, tout en insistant sur le fait que « l'absence de l'Etat comme partie exécutante des décisions juridiques sur la peine de mort » va, d'après lui, « pousser les parents des victimes à chercher eux-mêmes le moyen pour se venger ». Il a affirmé que dans les législations, il existe 365 crimes qui encourent la peine capitale alors que dans l'Islam, elle n'est prévue que dans 4 cas. « Si l'on fait en sorte de ramener la peine capitale à uniquement ces 4 cas, c'est déjà un exploit. Quelle peine faut-il prononcer contre celui qui commet une haute trahison contre son pays ? Quelle peine faut-il appliquer à celui qui abuse d'un enfant et le découpe en morceaux ? », s'est interrogé le représentant du ministère des Affaires religieuses, ajoutant : « On ne viole pas la religion en supprimant la peine de mort si cela se fait dans l'intérêt de la société. » Un avis non partagé par le représentant du Haut-Conseil islamique (HCI), Mahfoud Smati, qui a relevé que la peine de mort dans l'Islam « garantit la stabilité de la société à travers la restauration des principes d'égalité et ferme la porte aux déviations ». M. Smati a expliqué en outre que « l'exécution de cette peine est nécessaire parce qu'elle préserve des dérives et stabilise la société ».