Ce qui devait être hier un sommet de la Ligue arabe à Doha a étalé à la face du monde toute l'étendue de la division dans les rangs arabes, avec la présence du président iranien Ahmadinejad et l'absence du principal concerné, en l'occurrence le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. C'est Israël qui en sort renforcé. Cette réunion ratée, en raison de l'absence du quorum, donne une idée sur les divergences profondes qui minent la nation arabe. La situation est d'autant plus grave car la division touche aujourd'hui une des questions sur laquelle l'entente et la solidarité devraient être de mise, à savoir la cause palestinienne. On en est arrivé au point où le principal concerné par la réunion, le président de l'Autorité palestinienne, refuse d'assister aux travaux. En effet, Mahmoud Abbas, le représentant officiel élu de la Palestine, ne s'est pas déplacé à Doha. À l'étonnement général, le siège réservé à la Palestine lors de ce “sommet extraordinaire de Gaza” était affreusement vide hier, parce que revenant de droit à Mahmoud Abbas. Par contre, l'opposition palestinienne était présente en force dans la capitale qatarie avec le chef en exil du Hamas, Khaled Mechaal, et d'autres dirigeants de l'aile radicale palestinienne, basée à Damas, dont Ramadan Challah du Jihad islamique et Ahmed Jibril du Front populaire de libération de la Palestine-Commandement général. Cependant, les représentants palestiniens ont été placés avec les… observateurs, à l'instar du chef de l'Etat iranien et du président sénégalais Abdoulaye Wade, président en exercice de l'Organisation de la conférence islamique, ainsi que des représentants de l'Indonésie et de la Turquie. Le comble ! Concernés au premier plan par la réunion, les Palestiniens se voient réduits au statut d'observateurs, en raison de la dislocation de leur unité. On ne peut que s'interroger sur cette manière de faire. Fallait-il vraiment maintenir cette réunion dont le résultat aura été de diviser davantage le peuple palestinien et d'étaler à la face du monde les divergences arabes sur un sujet aussi sensible que la cause palestinienne, symbole autrefois de l'unité de leurs rangs ? Il leur sera difficile à l'avenir de convaincre de la crédibilité de leurs thèses, et le grand gagnant est incontestablement l'Etat hébreu qui aura réussi à approfondir le fossé entre les pays arabes. Bien que la résistance palestinienne ne s'est pas avouée vaincue sur le terrain, Israël a remporté son pari d'affaiblir les rangs arabes, principaux soutiens de la cause palestinienne. Il est désormais difficile de savoir qui soutient qui dans ce grand cafouillage interarabe, où est parvenu à s'intercaler le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, comme l'indiquait sa présence fort remarquée hier à Doha. Reste à savoir maintenant, à quoi servira le sommet économique arabe prévu le 19 janvier prochain au Koweït, qui sera certainement marqué également par de nombreuses défections. Un responsable du Hamas avait affirmé à ce sujet que le sang palestinien n'était pas une “marchandise” pour qu'il soit discuté au cours d'un sommet arabe consacré à l'économie. C'est le résultat des calculs politiciens de certains régimes arabes, lesquels en soutenant une faction palestinienne au détriment de l'autre, pour des objectifs inavoués, ont fini par faire éclater et les rangs palestiniens et les rangs arabes à la fois. Un grand service rendu à Israël qui n'en demandait pas tant. Merzak Tigrine