Faute de quorum, le sommet de la Ligue arabe n'a pas eu lieu. C'est loin d'être une surprise et les «déserteurs» du sommet de Doha n'ont fait qu'illustrer, une fois de trop, les divisions arabes. Mais pire que l'illustration des divisions –il est malheureux de le constater-, le sommet sur Ghaza a mis à nu la réalité des régimes arabes. Remplacé par une réunion extraordinaire sur Ghaza, ce sommet a montré également à l'opinion arabe et au monde la rupture totale entre l'Autorité palestinienne et le Hamas. Abbas qui n'a pas assisté à la réunion de Doha s'est excusé, une première fois par la voix d'un de ses représentants, en affirmant qu'Amr Moussa, le secrétaire général de la Ligue arabe, lui a confirmé l'annulation du sommet faute de quorum. Mais le Premier ministre qatari, cheikh Hamad Ben Jassem Al Thani, ne s'est pas gêné, lors de sa conférence de presse tenue à l'issue des travaux du sommet de Doha, pour affirmer que Abbas, avec qui il a eu personnellement un entretien téléphonique, a refusé de participer au sommet car il «était sous pression». Cheikh Hamad Ben Jassem Al Thani s'est même permis d'ironiser -la circonstance s'y prête parfaitement d'ailleurs- en affirmant avoir proposé à Abbas d'intervenir pour son «autorisation» de quitter le territoire palestinien quand ce dernier a prétexté, une première fois, le manque de temps pour en obtenir une ! Dommage que le ridicule ne tue pas parce qu'à peine la conférence de presse terminée, voilà que l'Autorité palestinienne réagit pour démentir les déclarations de Cheikh Hamad Ben Jassem mais aussi celles de son propre représentant. Dans une déclaration diffusée par la chaîne El Djazira, il est affirmé qu'Abbas a refusé de participer au sommet de Doha «pour préserver l'intérêt suprême» et qu'il n'a «subi aucune pression». L'Autorité palestinienne a ensuite accusé le Qatar : «Le sommet de Doha est un guet-apens dont le but est de consacrer la division arabe.» Mahmoud Abbas a donc décidé de boycotter le sommet sans compter sur les divulgations du Premier ministre qatari. Il a décidé alors d'accuser le Qatar de «manipulations» sur le dos des martyrs de Ghaza. Les dirigeants des factions de l'opposition palestinienne basées à Damas, dont le chef du Hamas Khaled Mechaal, invité par le Qatar pour «parler de la question palestinienne au nom du peuple palestinien», ont préféré ne pas entrer dans cette polémique et se sont suffi d'annoncer par la voix d'Oussama Abou Hamdane, l'un des responsables du Hamas, que «la confrontation se poursuivra si Israël décrète un cessez-le-feu unilatéral dans la bande de Ghaza. Car ce cessez-le-feu unilatéral ne prévoit pas de retrait de l'armée israélienne et tant qu'elle restera à Ghaza la résistance et la confrontation se poursuivront». C'est dans le camp des déserteurs du sommet de Doha que les critiques ont fusé. L'Egypte, l'Arabie saoudite, le Koweït et le Maroc qui ont brillé par leur absence –disons plutôt une fuite en avant inadmissible alors que la population de Ghaza est exterminée- ont chacun présenté une excuse ou encore commenté l'appel du Qatar. Le président égyptien, Hosni Moubarak, dans une déclaration télévisée diffusée hier, tout en rappelant la position de soutien indéfectible de son pays à la cause palestinienne, n'a pas manqué d'écorcher les participants au sommet de Doha en disant que l'Egypte a choisi l'acte au lieu de la parole. Il a également fait état de surenchères et a parlé de «ceux» qui veulent apparaître sur la scène politique arabe. Moubarak dira que l'Egypte n'est pas concernée par l'accord bilatéral signé, vendredi dernier, entre les Etats-Unis et Israël mettant un terme à la contrebande d'armes à la frontière entre Ghaza et l'Egypte tout en annonçant que son pays «n'acceptera jamais» de présence étrangère sur son territoire. «Je dis qu'il s'agit d'une ligne rouge et nous ne permettrons pas qu'elle soit franchie». Le roi du Maroc de son côté a considéré que «si la nation arabe ne parvient pas à trouver des solutions aux problèmes interarabes qui épuisent ses énergies, elle ne pourra, à plus forte raison, régler aucun conflit externe» tout en précisant que «le Maroc se joint à tous ses frères animés de bonne volonté pour réitérer son adhésion forte et constante à toute action arabe commune, à tous les niveaux et dans tous les domaines». Comment arriver à une action arabe commune quand certains choisissent la politique de la chaise vide ? Le sommet de Doha est devenu une réunion consultative du fait de défections qui ont l'amer goût de la traîtrise. Les régimes ont montré l'étendue de leur soumission aux Etats-Unis et la solidité de leur alliance avec Israël. En se refusant le sommet, les régimes se sont dénudés et ont montré que la rupture est irrémédiable avec les peuples arabes qui se sont choisis de nouveaux héros, comme Hugo Chavez. A Doha, les régimes arabes ont confirmé leur division. En face, les Israéliens continuent de tuer et de massacrer dans la plus grande impunité à Ghaza. H. Y.