La grande salle de la maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou était, à 14h, pleine comme un œuf, comme dirait l'autre. Un public composé de femmes, beaucoup de femmes, et d'hommes, des quinquagénaires, des sexagénaires… Mais la majorité reste des jeunes, filles et garçons. Sur la scène, l'orchestre exécutait une des belles musiques d'Aït Menguellet – quel titre peut-on qualifier de “non beau” dans le répertoire de Lounis Aït Menguellet ? Aucun, évidemment ! Arezki Azzouz, un brillant animateur de la Chaîne II de la Radio nationale (ENRS) au talent inégalable, dirigeait de son air décontracté tout ce monde venu voir son artiste, ses artistes, puisque ils seront nombreux ces artistes à venir, eux aussi, “avides” de rencontrer leur public et… “leur” Lounis. Après l'ouverture de la fête, par le directeur de la culture et de la Maison de la culture, Ould-Ali El-Hadi, qui souhaita la bienvenue “à vous toutes et à vous tous, qui nous honorez par votre venue massive, et à tous ces artistes, ces élus présents, merci pour ce grand honneur…”, Arezki Azzouz, l'infatigable animateur qui émerveillera l'assistance de ses belles plaisanteries, lira et fera entendre au public les messages audio ou manuscrits qui lui étaient parvenus à l'intention de Lounis Aït Menguellet pour lequel ils y rendaient hommage et lui souhaitaient un joyeux 59e anniversaire, coïncidant avec cette heureuse manifestation et dont l'honneur revient d'abord à cette jeune artiste peintre, Fariza Hallou, qui rend “palpables”, par ses toiles et tableaux exposés, la plupart des métaphores au sens fin de la poésie d'Aït Menguellet, ensuite à ces institutions culturelles du pays. Kamal Hamadi, le grand compositeur, homme de théâtre et de radio, Zimou, Benmohamed, Cherif Kheddam et d'autres encore, lui adresseront des messages audio en regrettant de ne pouvoir venir en raison de maladies pour certains, de contraintes diverses pour d'autres. De France, Idir, l'auteur de Avava inou va lui adressera un émouvant écrit où il soulignera que “(…) même les anges écoutent religieusement Aït Menguellet…” L'animateur appellera ensuite successivement, Nouara, la “diva” comme la nommait le regretté Matoub Lounès, qui garde toujours sa suave voix, malgré les ans. Elle fera vibrer la salle par un merveilleux “acewwik” (ce type de prélude à toute chanson) avant de chanter son Sigh el mesbeh… (allume le cierge et regarde moi…), puis Belaïd Branis, qui interprétera une des chansons d'Aït Menguellet Arjuyi, arjuyi… (patiente et attends mon retour), Djaâfar, le fils du poète, Ouahab, son cousin germain, Mouloud Mohia, le frère du regretté auteur de Tacbaylit, Sinistri…, le dramaturge Abdellah Mohia en l'occurrence, Djamal Kaloun, un jeune chanteur à la voix d'or, Slimane Chabi, un comédien hors du commun, qui fera encore frétiller la salle par de vibrants applaudissements avec son Ayamendayer, Ali Meziane, le chanteur aux suaves mélodies, qui parodiera notamment “les briseurs de l'art” par leurs chants du “n'importe quoi”, avant de dédier un émouvant poème en l'honneur du grand poète qui a su donner un caractère immortel à la chanson kabyle, Hassan Abaci, avec sa mélodieuse Techveh tmurt iw tzad (ce qu'elle est belle ma patrie), Mohamed Guerfi, Madjid Bali, anciens animateurs de la Chaîne II à l'ex-RTA, des professeurs à l'université de Tizi Ouzou, Halouane et Djellaoui, qui a traduit l'œuvre d'Aït Menguellet vers l'arabe, Abdellah Arkoub, un enseignant de tamazight, Fariza Hallou, qui lui consacre l'exposition de ses peintures à la Maison de la culture, témoigneront aussi, à la fois du grand talent et de la modestie de Lounis Aït Menguellet. À signaler également la présence, à cet hommage, de Yaha Abdelhafid, ancien officier de l'ALN, fondateur du FFS en 1963, puis du FFD dans les années 1990. À la demande du public, et malgré un “bobo d'angine”, l'honoré chanteur poète, en remerciant et en exprimant toute sa gratitude à l'ensemble des présents et aux organisateurs en particulier, interprétera plusieurs de ses titres comme Ay-arrach negh, A-kka a-mmi , avant d'enchaîner avec Ketchini ruh nek ad qimegh (tu t'en vas, moi je reste…) avec laquelle le poète terminait toujours ses galas. Oulahlou, de sa tenue de “vieux berbère”, de sa chevelure hirsute, sous une casquette de marin, de sa longue barbe et de sa paire de moustaches touffues, avec une voix vrombissant et déchirant les décibels, déclamera des poèmes à couper le souffle, son hommage à lui, qu'il voulait rendre à son idole. Ensuite des fleurs et un cadeau seront remis à Aït Menguellet par le directeur de la Maison de la culture, ainsi que des bouquets de fleurs à l'ensemble des chanteurs, artistes et autres invités, clôturant ainsi la manifestation menée de main de maître par l'inimitable animateur Arezki Azzouz. Salah Yermèche