Bien sûr, tous les rêves ne sont pas dotés d'une fonction prophétique aussi noble. Déjà plusieurs paroles attribuées à Mohamed (QsSSL) permettent de faire le départ entre les différentes catégories d'expériences oniriques : 1) L'“entretien de l'âme avec elle-même” : il s'agit de rêves composés de souvenirs, de reliquats des événements du passé proche, du surgissement de soucis de la vie quotidienne. Ils n'apportent aucun message nouveau ni digne d'être analysé. On peut y adjoindre les rêves d'origine plus directement physiologiques, comme les rêves sexuels, ou ceux liés à des maladies ou à des états déséquilibrés d'un point de vue médical. 2) Les intimidations de Satan. Satan ne possède pas un grand pouvoir dans la conception musulmane de la vie psychique. Il ne peut ni envahir ni posséder l'âme d'un croyant. Durant les rêves, il peut cependant induire des peurs, des doutes ou simplement des absurdités. Ce type de rêve non plus n'est pas pris en compte, le croyant est même enjoint de n'en parler à personne, de l'oublier. Ces deux premières catégories n'intéressent nullement l'onirocritique musulmane. Il n'y a rien à en tirer, ce sont des amas incohérents d'images absurdes. On doit noter ici que l'onirocritique refuse globalement tout ce qui présente un aspect illogique : voir un éléphant grand comme une fourmi, un arbre ayant ses racines dans le ciel, etc. En sont donc éliminés un bon nombre de récits oniriques qui auraient intéressé de près la psychanalyse actuellement. Il s'agit pour les théologiens d'éviter la manifestation d'un chaos mental, ou du moins d'un imaginaire débridé. On constate ici l'importance du principe de raison, qui s'introduit dans le champ même de ce qui est “rêvable”. 3) Le rêve “sain” ou “véridique” est la seule catégorie que la tradition onirocritique prend en compte. Le rêve sain est désigné par le terme roeyâ, qui signifie en fait “vision”. De façon significative, il n'existe pas de termes spécifiques qui distingueraient les rêves des visions à l'état de veille : il s'agit dans les deux cas de roeyâ. Les récits témoins en la matière ne signalent pas toujours si telle ou telle vision a eu lieu durant le sommeil. C'est que cela n'a pas de réelle importance : le rêve/roeyâ est un mode de perception particulier, “imaginal”, et le sommeil est un état qui permet la libération de l'âme des liens corporels, mais cette libération, ce dégagement peut avoir lieu en d'autres circonstances. (à suivre)