En accusant les Touareg du nord du Mali du récent kidnapping de quatre touristes européens,le gouvernement malien fait diversion et oublie de désigner les vrais coupables qui sont les terroristes du GSPC. Le Sahel est-il le nouveau Waziristân ? Dans une zone à cheval entre le Nord du Mali et le Niger, le groupe de Mokhtar Belmokhtar a encore frappé. Le rapt, il y a une semaine, des quatre touristes européens (suisses et allemands) s'est déroulé selon un processus qui semble bien huilé. Le GSPC repère ses cibles occidentales, procède à l'enlèvement et ramène rapidement les otages en territoire malien avant que les négociations commencent sous les auspices du gouvernement de Amana Touré et de ses intermédiaires. Les gouvernements européens finissent par payer la rançon et le GSPC et ses intermédiaires se retrouvent avec un bon paquet d'euros. Ce schéma inauguré par l'ancien “émir” du désert, Abderezak El-Para, avec les 31 otages européens kidnappés dans la région de Biskra, a été poursuivi par l'“émir” Abou Zeid dans le cas des deux otages autrichiens enlevés en Tunisie et entériné par la récente opération d'enlèvement des deux diplomates onusiens de nationalité canadienne et des 4 touristes européens au Niger, à 80 km des frontières avec le Mali. Dans tous ces cas de figure, les otages et leurs ravisseurs se sont retrouvés au nord du Mali sous la “protection” bienveillante des autorités maliennes. Les alliances de Belmokhtar Alors que Bamako tente d'accuser les rebelles touareg, en faisant croire aux Occidentaux à une alliance touareg avec le GSPC, c'est bien le groupe de Mokhtar Belmokhtar qui est derrière les derniers enlèvements de la région. À la tête d'un groupe d'une vingtaine de terroristes, armés lourdement et munis de 6 pick-up, selon des sources locales, il a ramené ses otages en territoire malien depuis le début de la crise et attend certainement d'ouvrir les négociations avec les Européens. Le problème est que ce groupe du GSPC n'est nullement inquiété : “Que ce soit Belmokhtar qui a épousé une femme des tribus bérabiches (les Arabes du nord du Mali), tissant une alliance avec eux, imité en cela par l'“émir” Azwid ou l'“émir” Abou Abdelkader, le GSPC sait que cette région est un sanctuaire”, confie une source locale au fait du dossier contactée par téléphone. Que fait le gouvernement malien pour contrer cette propagation salafiste ? En un mot : rien. Trop occupé à saper les accords d'Alger en attaquant les campements des tribus touareg dont la dernière attaque a visé Ag Bahanga, la bête noire d'ATT, à Bouérissa, faisant 31 morts parmi les Touareg. Une efficacité qui ne s'applique pas au groupe du GSPC-Sahel qui se prépare à lancer les enchères. Rançon ou échange ? Mais voilà, cette fois-ci, le jeu de dupes risque d'être dévoilé par le GSPC lui-même. En effet, un incident qui s'est produit en août 2008 risque de compliquer les futures transactions entre les salafistes et les Européens. Alors qu'ils manipulaient des produits explosifs dans une petite maison à Gao, deux artificiers du GSPC ont déclenché une explosion qui a alerté la police malienne. Blessés, Sidi Ali Naban et Ould Yahdih, deux recrues mauritaniennes proches de l'“émir” Belmokhtar, ont été arrêtés. Or, il s'avère que Ould Yahdih est un élément indispensable au groupe salafiste et que Belmokhtar s'est mis dans la tête de le récupérer. Ne voulant ni les juger ni les livrer aux autorités mauritaniennes, ces deux membres du GSPC vont-ils servir à autre chose ? Une monnaie d'échange contre les touristes européens ou les diplomates canadiens ? L'hypothèse est tentante pour le groupe Belmokhtar surtout que les autorités maliennes pratiquent les extraditions à la carte. C'est le cas, notamment de Oussama El Merdaci, un “émir” du GSPC, présenté dans le Sahel comme l'homme qui monte dans le réseau d'Al-Qaïda. Cet ancien d'Afghanistan, qui semble avoir été injecté dans la région au profit de l'organisation de Ben Laden, se dirigeait vers la Somalie quand les services de sécurité maliens l'ont appréhendé à Tombouctou. Depuis une année, ce vétéran d'Afghanistan qui connaît bien les réseaux londoniens du GSPC est dans les geôles maliennes. Bamako, bizarrement, ne se décide ni à l'extrader vers l'Algérie, du moment qu'il est membre du GSPC, ni à le juger, et encore moins à le relâcher. Son cas gêne à l'évidence Bamako qui n'avait pourtant pas hésité à extrader manu militari deux djihadistes libyens deux jours seulement après leur arrestation. Ce qui pose un véritable casse-tête sur l'attitude du président ATT qui, d'une main, se proclame le chantre de l'antiterrorisme, et de l'autre, autorise que des négociations lucratives sur les otages occidentaux se fassent sur son territoire. Alors que les conventions internationales des Nations unies stipulent explicitement que toute transaction financière ou paiement de rançon aux terroristes est un acte de complicité. En tout état de cause, les prochains jours vont contraindre les uns et les autres à jouer cartes sur table. Le GSPC qui agit dans le nord du Mali comme bon lui semble va devoir négocier et, pour ce faire, il doit s'appuyer sur ces fameux “notables” que Bamako autorise. Car, dans cette zone grise où la misère est criante, la prise d'otages est devenue un business comme un autre et la valeur marchande d'un Occidental est la garantie que tous les intermédiaires vont se servir lors des transactions sur la rançon à payer. Mounir B.