L'Algérie a toujours cru que le Mali, comme incarné par Amadaou Toumani Touré (ATT), est un pays sur lequel elle pouvait compter dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. Mais au regard des récentes déclarations du président malien, on est en droit de s'interroger sur la santé mentale du régime de Bamako. Le festival de contre-vérités émises par le président malien dans les colonnes d'un confrère interpelle les connaisseurs de la région du Sahel. Le Mali, longtemps considéré comme une préoccupation sécuritaire majeure dans la région du Sahel, possède tous les moyens pour ne plus être le pays à la traîne dans la lutte antiterroriste, mais au regard des affirmations hasardeuses du président malien, Bamako semble pratiquer l'amnésie volontaire. D'abord, le président omet de dire que le Mali est préoccupant actuellement à plus d'un titre. Le sanctuaire qu'il offre et l'impunité qu'il accorde aux deux groupes terroristes de la branche sahélienne du GSPC sont une réalité intangible. Le laxisme, sinon la complicité, à l'égard des réseaux de trafic de drogue a pris une telle ampleur que non seulement le cannabis marocain transite par le Mali, mais tous les réseaux de la cocaïne et plus récemment, ceux de l'héroïne. Le troisième grief qui peut être fait au Mali d'ATT est cette incapacité chronique à mettre fin à la dissidence touarègue et à respecter les engagements pris lors de l'accord d'Alger du 4 juillet 2006. Le nord du Mali aussi grand que la Belgique Mais examinons de plus près l'argumentaire du président malien. D'abord sur le point des accords d'Alger. ATT déclare que la totalité des armes des rebelles touaregs n'a pas été déposée. Ce qui est une des rares vérités émises par le président malien. Mais ce qu'il n'explique pas, c'est comment les armes en bon état rendues par les Touaregs aux militaires maliens dans le cadre des accords de paix se retrouvent entre les mains de certains terroristes abattus récemment au Sahara ! Les numéros de série faisant foi. Le président malien nie le fait que le GSPC utilise toute la largeur de la bande sahélienne au nord du Mali pour se déplacer ou prendre racine. La présence du GSPC est signalée dans plusieurs localités maliennes telles que Tombouctou, Araouane, Taoudenni, Tessalit, Al-Khallil, Hassi Ichourad, Hassi Essala ou le mont Tadac. Toute cette région est infestée de terroristes d'Al-Qaïda Maghreb et les témoignages des otages européens enlevés en 2003, en 2008 ou en 2009, précisent que ces régions ont servi de lieu de détention ou aux transactions pour leur libération. La bande désertique citée par le président malien est réelle, mais celle-ci se trouve en plein territoire malien, aussi grand que la Belgique, où la présence de l'Etat malien est fantomatique et dont les terroristes ont fait le principal sanctuaire. Bamako, le mauvais élève du Sahel Assez subtilement, le président malien souligne que les prises d'otages des Européens ont eu lieu en Algérie ou en Tunisie, accusant à demi-mot ces Etats. Il omet juste de préciser que les quatre touristes européens kidnappés le 22 janvier dernier l'ont été en territoire malien, à 10 kilomètres de la localité frontalière nigérienne de Chigoden. Le président malien se défausse également sur ses voisins sahéliens accusant les autres Etats sahélo-sahéliens de “passivité”. Ce qui est un comble. Car comment peut-on accuser le Niger qui, malgré des moyens militaires rudimentaires et une famine endémique, n'a pas hésité à attaquer à plusieurs reprises les bases et les convois du GSPC en 1998, en 2004 et en 2005 ? Des attaques qui ont coûté la vie à des soldats nigériens. Comment peut-on stigmatiser le Tchad qui, en mars 2004, a attaqué la base d'Abderezzak El-Para et neutralisé 15 terroristes Même les mouvements rebelles tchadiens, tels que le MDJT, ont contribué à lutter contre le terrorisme au Sahel en livrant le même El-Para à la Libye, puis à l'Algérie pour y être jugé. Peut-il réellement accuser la Mauritanie qui, malgré l'instabilité politique, a arrêté 7 terroristes du GSPC Sahel du groupe de Mokhtar Belmokhtar, après l'attaque de la caserne d'El-M'riti en juin 2005. Nouakchott a même engagé une vaste opération militaire qui a permis de déloger les terroristes de leurs refuges à Hassi Echourad, au nord du Mali, au grand désarroi de Bamako qui n'a pas su ou voulu le faire. Même les mouvements touaregs, dénigrés par ATT, comme celui de “l'alliance du 23 mai pour le changement” ont participé à l'effort de guerre contre le terrorisme dans le Sahel en neutralisant le groupe d'Ahmed Zerfaoui, listé par l'ONU. 10 tonnes d'amonitrate viennent du Sahel La conclusion qui s'impose d'elle-même est que Bamako est le cancre de la région en matière de lutte antiterroriste. Le Mali est tellement obsédé par régler son compte au mouvement touareg qu'il donne sa protection aux groupes terroristes et ferme les yeux sur les réseaux de trafic de drogue qui enrichissent les seigneurs de guerre de la région. Le pacte tacite entre Bamako et le GSPC semble clair. Selon un repenti, les Salafistes ont même créé une cellule pour se renseigner sur les mouvements des rebelles touaregs et fournissent des tuyaux aux services secrets maliens. Ces derniers semblent, à l'instar d'autres gouvernements qui préfèrent négocier avec le terrorisme au lieu de le combattre, persuader le GSPC de ne pas attaquer des cibles au Mali ou de pénétrer de manière voyante dans les centres urbains. On est en droit de s'interroger aussi sur le renflouement des effectifs terroristes puisque les salafistes interpellés dans les grands centres urbains ne sont pas emprisonnés, mais renvoyés dans la zone du GSPC au nord du mali comme ce fut le cas avec trois Mauritaniens du groupe Belmokhtar. Quant à l'argent des rançons, il y a des vérités qui ne sont pas bonnes à dire pour Bamako. Comme celle qui concerne les deux millions d'euros, saisis dans la ville de Mopti, chez le frère de l'otage autrichien et dont on ne connaît pas le destinataire. Ou encore tous les achats d'explosifs et d'armement effectués par Al-Qaïda Maghreb dans le Sahel et expédiés vers le nord algérien comme dans l'affaire des 10 tonnes d'amonitrate réceptionnées par Droukdel et qui servent à tuer des Algériens dans les attentats kamikazes. Cette liste non exhaustive des oublis du président malien qui considère les groupes terroristes comme étant d'essence “nationaliste” ! Elle laisse incrédule les observateurs de la scène sahélienne. Quand on a un passif aussi lourd à l'égard du terrorisme international, on se demande pourquoi la communauté internationale s'acharne sur le Soudanais Omar El-Bachir cloué au pilori du TPI pour moins que ça. Mounir B.