Nous, Algériens, devrions — de tous les angles d'analyse possibles de la crise — privilégier celui de l'énergie. Si tout le monde convient que la variable principale d'ajustement de l'économie algérienne est le prix du baril de brut, alors intéressons-nous d'abord aux perspectives énergétiques mondiales qui conditionnent pour nous le reste. Que se trame-t-il sur notre dos à ce sujet ? Les grands perdants du bouquet énergétique sont les hydrocarbures. L'Algérie est bien placée pour le savoir. Mais contrairement à ce que l'on peut penser, les gagnants ne sont pas les sources renouvelables, mais l'énergie nucléaire. Le bulletin électronique World Energy Fax du 1er décembre 2008 du très sérieux Conseil mondial de l'énergie (CME) nous livre quelques indications tout à fait significatives à ce sujet. Il rend compte des travaux du Comité allemand membre du CME (DNK), qui a tenu sa conférence annuelle le 12 novembre à Berlin sur le thème “Conséquences de la crise financière mondiale pour le secteur de l'énergie”. Ainsi, il est constaté au cours de ces assises que “les subprimes à haut risque ont déjà frappé des projets éoliens offshore, et certains d'entre eux ont déjà été abandonnés” et, de plus, “d'autres risques vont très probablement suivre, la demande d'énergie diminuant dans différentes industries”. C'est au cours de cette réunion que le chef économiste de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) Fatih Birol adresse en contre-emploi “des signaux d'alarme” aux pays producteurs de pétrole, les pressant d'investir davantage à la fois dans “l'exploration pétrolière et dans le fait de maintenir les marchés ouverts aux investisseurs étrangers privés”. Ainsi pour les uns, il estime justifié l'arrêt de leurs investissements dans les énergies renouvelables pour insuffisance de rentabilité. Pour les autres, il adresse une injonction d'investir même à perte dans les hydrocarbures. Au passage, il faut remarquer que son appel n'a même pas été élargi aux grands groupes pétroliers multinationaux qui ont déjà décidé – à 50 $ le baril — d'annuler des projets dans l'aval (pétrochimie, GTL, GNL), mais aussi dans l'amont. Rappelons simplement que ces derniers ne se sont pas bousculés au portillon lors du dernier appel d'offres de recherche et de production lancé en Algérie par Alnaft. En revanche, en France, Nicolas Sarkozy annonce la construction à Penly (Seine-Maritime) du deuxième EPR français, réacteur électronucléaire de troisième génération (Le Monde du 31 janvier). Au Royaume-Uni, les pouvoirs publics ont également initié les procédures de sélection des sites qui accueilleront leurs futures centrales nucléaires, dont ils ont décidé de la construction car un cinquième seulement de l'électricité britannique produite provient du nucléaire, contre près de 80% en France. Déjà GDF-Suez a mis en place un partenariat pour “participer conjointement au développement de nouvelles centrales nucléaires au Royaume-Uni”. Même la Suède, promotrice de l'énergie “verte”, revient sur sa décision de fermeture de son parc nucléaire, malgré les surcoûts et le retard de l'EPR finlandais. Que reste-t-il alors du compromis de l'UE sur le “package énergie/ climat” avec ce développement annoncé de l'électronucléaire dans ces pays et l'utilisation massive du charbon en Pologne ? Certains pays émergents empruntent aussi cette voie. Ainsi, le groupe français Areva annonce la signature d'un protocole d'accord pour la livraison de deux à six réacteurs EPR à l'Inde. Seule l'Allemagne qui, pour des raisons politiques, n'a pas encore arrêté sa doctrine en la matière nous envoie Sigmar Gabriel, son ministre de l'Environnement et de la Sûreté nucléaire, pour dire deux choses. L'énergie nucléaire a besoin, d'une part, de beaucoup d'eau douce pour le refroidissement et, d'autre part, de capacités avérées de traitement des déchets radioactifs. C'est vrai à chacun son métier. Mais on voit bien que dans le monde, le principe de réalité l'emporte sur le principe de précaution. Surtout lorsqu'il s'agit d'énergie. M. M.