La difficulté pour l'Algérie d'effectuer des prévisions en termes de recettes porte sur deux incertitudes majeures relatives à la fois aux volumes et aux durées. Devant cette équation à deux inconnues, qui interpelle aussi bien les pouvoirs publics, la communauté des affaires, que l'opinion publique tout le monde semble hésiter quant à la conduite à tenir. Mais déjà trois postures se dégagent. Il y a ceux qui disent que la crise ne nous atteint pas, on a connu ces discours dans les années 1980, ils ne sont pas crédibles. Il y a les seconds, partisans de la formule : “Il est urgent d'attendre.” Attendre quoi ? La réunion de l'Opep du Caire puis celle d'Oran de décembre, puis la prochaine réunion du G20, prévue pour le printemps 2009 ? Cela dans l'espoir que tout va rester comme avant. À ce propos, le dernier débat sur le financement des projets énergétiques lors de la semaine de l'énergie est apparu très intéressant mais un peu décalé pour certains observateurs. D'abord parce qu'il a rassemblé des acteurs dont les intérêts ne sont pas tous forcément convergents. Ensuite, il semble s'être affranchi, sans doute pour des raisons d'agenda dans la préparation des communications, des points d'ancrage de la crise et de ses perspectives d'incertitude. On y parle, selon la presse, de 100 milliards de dollars d'investissements dans le secteur de l'énergie à l'horizon 2013, sans effort actualisé de contextualisation. Sauf à considérer que ces programmes peuvent être financés sur fonds propres, comme si de rien n'était, il apparaît nettement la nécessité de revisiter ces prévisions. Fixer des priorités d'abord, la première étant d'achever ceux déjà engagés. Pour le moment, on continue à puiser sur les capacités internes mais pour combien de temps encore. En témoigne la signature, le 20 novembre, de la convention de crédit entre le consortium des banques publiques algériennes, Sonatrach et le groupe omanais SBGH pour financer la réalisation du complexe d'ammoniac et d'urée de Mers El-Hadjadj. Le chef de la mission du FMI en Algérie, Joël Toujas-Bernaté, considère lui aussi que malgré tout, “une flexibilité des politiques macroéconomiques sera nécessaire en cas de forte diminution des recettes pétrolières”. Mais il tente en même temps de nous rassurer en expliquant que “le secteur financier algérien ne devrait pas subir de gros effets de contagion de la crise financière mondiale du fait de sa faible exposition aux flux financiers internationaux”. La troisième posture est celle de construire la riposte, car les crises on en a connues déjà : celle de 1986 dont la solution a été reportée jusqu'en 1994, aggravant notre endettement par des politiques monétaires et des financements bancaires de court terme coûteux, celle de 1998/1999 où l'Algérie a refusé à la sortie du PAS la main tendue du FMI. Pour la première, de lissages en reprofilages on s'est retrouvé en quasi-cessation de paiements en 1994 avec les effets dévastateurs que l'on a connus. Pour la seconde, on a eu, pour une fois, raison car l'alerte sur la baisse des prix du brut a été de courte durée. Alors pour celle-ci où nous avons encore quelques mois de répit — malgré un baril à moins de 50 dollars — il faut identifier et mettre en œuvre les ajustements nécessaires. Ils ne concernent pas seulement les champs budgétaires qui disposent déjà d'un agenda de révision : la prochaine loi complémentaire de finances pour 2009 dans laquelle les nouveaux arbitrages budgétaires seront probablement opérés. Ils concernent également les stratégies d'investissements des grands groupes publics et privés qui ont vocation à exporter car la demande mondiale diminue pour l'énergie mais aussi pour les produits hors hydrocarbures. Ainsi, après les Etats-Unis et l'Europe, c'est au tour du Japon à entrer en récession. C'est sans plus attendre que ces réévaluations d'investissements devront être faites, notamment dans le secteur des hydrocarbures aussi bien en amont qu'en aval. Mais en même temps, il faudra être présent sur les marchés internationaux, notamment ceux de l'énergie et de la pétrochimie, lors de la reprise de la croissance mondiale comme cela a été le cas dans la fin des années 1990. L'exercice n'est pas facile, les arbitrages non plus, mais on peut faire confiance aux capacités d'analyse et de prévision des équipes algériennes concernées là où elles se trouvent. Le tout c'est de les écouter. M. M.