Un si parfait jardin, c'est d'abord le lyrisme dans l'écriture, la personnification d'un lieu, le jardin d'Essais qui devient un personnage à part entière et une certaine mélancolie qui traverse la plume à la fois noire et régulière de Sofiane Hadjadj dans la description d'Alger. Paru aux éditions françaises Bec en l'air dans la collection Collatéral, Un si parfait jardin est un roman court de 102 pages, dans lequel la littérature croise l'objectif. En effet, Sofiane Hadjadj raconte Alger par les mots et selon les sens et les perceptions de son personnage Naghem L., et le photographe Michel Denancé raconte la beauté des paysages d'Alger à travers la dizaine de photos qui compose l'ouvrage. Un si parfait jardin, c'est l'histoire de Naghem L., un jeune paysagiste, qui retourne à Alger, la ville qui l'a vu naître et grandir, après dix années d'absence. Ce retour est motivé par une volonté d'évaluation des dégâts occasionnés au célèbre jardin d'Essais après le chaotique séisme du 21 mai 2003. Naghem L. retrouve une ville meurtrie, une population hagarde traversant une chaleur asphyxiante. Mais sa mission au jardin d'Essais se transforme en une enquête, presque policière, car l'auteur emprunte volontiers certains de ses codes au polar. En effet, il sera question de détournement, de vol et même de tentative de meurtre. Alger la Blanche devient grise et obscure sous la plume mélancolique et régulière de Sofiane Hadjadj qui ne s'attarde pas sur les descriptions. Il écrit et décrit Alger à travers les yeux et les sensations de son personnage principal, Naghem L., qui retrouve une ville qu'il ne reconnaît plus, et qui n'a d'yeux que pour Nancy Ajram, jeune chanteuse libanaise, devenue, dans un chaos maquillé par un semblant de vie, une icône, une star auprès des Algérois. Le 21 mai 2003, la terre a tremblé, ce qui aurait pu effacer certaines choses, redéfinir d'autres ou réveiller certaines consciences. Un mois après, Naghem L. débarque à Alger, mais les choses sont stagnantes. Rien n'a changé et les gens sont perdus. D'ailleurs, la narcolepsie de Naghem L. est en quelque sorte une conscience que le reste des Algérois n'ont pas, ont perdu, égaré. Ils ont abandonné ! Naghem L., une sorte de SNP (sans nom patronymique), qui revišent sur la terre de ses ancêtres, mais qui ne trouve aucune similitude, aucune ressemblance avec ce qu'il a laissé et ce qu'il a trouvé. En revanche, le propos de Sofiane Hadjadj dans Un si parfait jardin est d'abord le dialogue entre les arts puisqu'il développe le concept du pop art. Hormis la photographie — art très présent dans le roman —, l'auteur fait référence à la musique, au théâtre, au cinéma… Bref, c'est un éclatement des genres. Mais à la différence de certains auteurs qui s'approprient la langue et pratiquent la pop littérature (une sorte de littérature urbaine et/ou citadine), Sofiane Hadjadj fait des emprunts. C'est clair, net et sans ambiguïté. Le titre, par contre, n'est pas dépourvu de subjectivité parce qu'il comporte le “subjectivème” “si”, qui n'est pas dépourvu de subjectivité, d'implicite et de force ; on perçoit même une certaine ironie. Un si parfait jardin offre un pur moment de plaisir tant par le joli texte proposé que par les magnifiques photographies signées Michel Denancé. Sara Kharfi Sofiane Hadjadj animera une rencontre, aujourd'hui à partir de 15h, à l'espace Noun, autour du roman Un si parfait jardin.