Le président des Etats-Unis a annoncé mardi le départ prochain de quelque 17 000 soldats supplémentaires, sur les 30 000 promis, pour l'Afghanistan. Cette annonce vient satisfaire une requête du secrétaire à la Défense Robert Gates et intervient en prélude à son déplacement, jeudi, chez le voisin canadien où il s'entretiendra avec le Premier ministre Stephen Harper. S'il a choisi le Canada comme sa première destination hors du territoire national, c'est précisément pour tenter de rassurer ses voisins, que l'évolution de la situation en Afghanistan inquiète au plus haut point. Le contingent canadien compte environ 2 700 soldats stationnés à Kandahar depuis 2002, dont la mission prend théoriquement fin en 2011, et qui a perdu au moins cent hommes dans les combats jusqu'à présent. “Je suis absolument convaincu que l'on ne peut pas résoudre le problème en Afghanistan uniquement par des moyens militaires. Nous allons devoir utiliser la voie diplomatique, nous allons devoir nous appuyer sur le développement, et ce que je souhaite, c'est que les conversations avec le Premier ministre Harper permettent de souligner l'importance d'une stratégie globale”, a récemment déclaré M. Barack Obama. Les déclarations et la décision du président américain au sujet de l'Afghanistan interviennent quasiment au moment même où l'institut de la paix des Etats-Unis, financé par le Congrès, publiait un rapport rédigé par les experts de l'institut de recherches RAND Corporation, consacré au même thème. “Tout n'est pas perdu en Afghanistan”, peut-on y lire, “mais des mesures urgentes, qu'on pourrait appeler des mesures changeant la donne, sont aujourd'hui nécessaires pour contenir une insurrection de plus en plus violente”. Ce rapport vient conforter ceux, nombreux des deux côtés de l'Atlantique, qui pensent que le renforcement des effectifs militaires ne servirait à rien si une nouvelle stratégie n'est pas définie. “Les Etats-Unis et leurs alliés doivent réexaminer leurs objectifs principaux”, préconisent les auteurs du rapport, qui fixent comme priorité l'empêchement de l'Afghanistan et du Pakistan de servir de base arrière aux groupes terroristes et aux talibans. “Il est peu probable que les Etats-Unis et l'Otan puissent vaincre les talibans et les autres groupes insurgés en Afghanistan”, ajoute le rapport. Il préconise donc que le renfort annoncé des troupes serve aussi à former les forces de sécurité afghanes, de même qu'il conseille le renforcement des tribus, estimant qu'aucun pouvoir central ne pourra gouverner s'il ne s'appuie pas sur elles. Un autre rapport, rendu public mardi par les Nations unies, vient à son tour conforter les tenants d'un changement de stratégie. Il révèle en effet que la violence gagne en intensité pour arriver à un niveau jamais atteint depuis le renversement du régime des talibans en 2001. Avec 2 118 civils tués, soit 40% de plus par rapport à 2007, l'année 2008 aura été particulièrement meurtrière. Le rapport précise néanmoins que si les insurgés sont responsables de 55% des victimes civiles, les forces pro-gouvernementales, dont les contingents de l'Otan, assument 39% de ces victimes, tandis que 6% d'entre elles n'ont pu être attribuées à l'une ou l'autre des parties. En évoquant pour la première fois le recours à la diplomatie, concomitamment avec l'effort militaire, le président Obama se rallie à la thèse qui voudrait que soient révisés les objectifs et la stratégie en Afghanistan. Après le Canada, il consultera sans doute les autres partenaires de l'Otan et d'Europe pour la définition de ces nouveaux objectifs et de cette nouvelle stratégie. Il leur confirmera ainsi sa volonté affichée de multilatéralisme et il sera d'autant plus à l'aise pour leur réclamer davantage d'efforts, comme l'a déjà annoncé le vice président Joe Biden. M. A. Boumendil