Bien que cette spécialité ne soit pas encore enseignée dans les universités de médecine algériennes, ses adeptes sont très nombreux. Les plasticiens assurent que quasiment toutes ses techniques, réalisées à l'étranger, sont pratiquées en Algérie. Sauf que la chirurgie réparatrice n'a pas d'effet miracle qui effacerait totalement les stigmates du corps. Il est certes admis que la beauté du corps n'égale guère la beauté de l'âme. Il n'en demeure pas moins qu'il est difficile de porter une malformation de naissance ou une cicatrice acquise par traumatisme sans en souffrir fatalement. Ce qui rend énorme la demande sur la chirurgie réparatrice, qui tend, comme son nom le dit si bien, à réparer ce que la nature ou un accident a détruit. “La chirurgie réparatrice a pour but de se rapprocher d'un aspect physique normal au prix de plusieurs interventions et de cicatrices”, définit le Dr Madjoudj, chirurgien plasticien, formé à cette spécialité, dans les années 1980, à l'hôpital Rothschild de Paris dans les services de chirurgie plastique nord-américains. Bien qu'elles empruntent les mêmes techniques et soient catégorisées sous le générique de chirurgie plastique, un fossé sépare la chirurgie esthétique de la chirurgie réparatrice. La première s'adresse à une population qui ne s'aime pas et veut donc améliorer son apparence physique, tandis que la seconde s'impose comme une exigence pour corriger une tare congénitale, atténuer les séquelles de brûlures et faire disparaître, dans la mesure du pouvoir de la science, les cicatrices laissées par les accidents domestiques, de circulation ou de travail. Son but étant de délivrer une personne de la douleur morale en lui rendant un aspect physique acceptable. Contrairement aux idées reçues, la chirurgie réparatrice n'a pas d'effets miracles. “La cicatrice d'un jour est la cicatrice de toujours. Quand elle est là, il n'est plus possible de l'effacer. Le but de la chirurgie réparatrice est de la rendre plus discrète”, épilogue le Dr Madjoudj, qui reconnaît que la majorité de ses patients le consultent pour enlever une cicatrice inesthétique, acquise par traumatisme (accident ou agression). Il estime important que les gens ne fondent pas d'espoirs exagérés sur la chirurgie réparatrice, acculée par ses propres limites. “L'acte chirurgical intervient dans 20 à 30%. Le reste dépend du mode de cicatrisation propre à chaque personne et de la direction de la blessure”, poursuit-il. Il explique que les stigmates des blessures qui suivent les lignes du corps ou les sillons des rides naturelles ont plus de chance de devenir invisibles avec le temps. Les cicatrices perpendiculaires, celles qui coupent la joue, par exemple, sont les plus dures à combattre, y compris à coups de bistouri.“Malheureusement, on ne peut pas proposer grand-chose à certaines séquelles de brûlures, à cause de leur étendue et de leur siège”, cite-t-il. Le praticien assure, pourtant, que quasiment l'ensemble des techniques de chirurgie plastique, réalisées à l'étranger, sont pratiquées avec succès en Algérie. Il affirme que l'apparition de la technique inhérente au skin-expander (expansion cutanée) a permis de traiter les alopécies du cuir chevelu, du thorax et du dos. Il s'agit de prothèses de silicone introduites dans des zones saines, voisines des zones lésées. Un gonflage de ces prothèses permet d'obtenir un excès de peau saine étalée sur les zones brûlés adjacentes. Cette technique n'est toutefois pas sans risques, prévient le praticien. Il explique que les temps de gonflage qui sont longs,voir même trop longs (deux à trois mois), nécessitent plusieurs interventions. “Des complications infectieuses surviennent parfois. Ce qui impose l'arrêt immédiat du gonflage et le retrait de la prothèse". Les chirurgiens nationaux opèrent, en outre, bien la fente (bec de lièvre, ndlr). "Il n'est pas nécessaire d'envoyer les enfants qui souffrent de ces malformations congénitales ailleurs, comme en Tunisie", nous-dit-on. Il est tout aussi usuel de recourir à la chirurgie reconstructrice d'un d'organe, détruit dans un accident ou par la maladie, particulièrement le cancer sous ses différentes formes, en s'adressant aux hôpitaux et cliniques privées du pays. La reconstruction mammaire après ablation d'un ou des deux seins atteints par le cancer, est dans ce sens édifiante. C'est une intervention simple et courante, attestent les plasticiens. Le Dr. Madjoudj juge, néanmoins, qu'elle ne représente guère une urgence, eu égard à la nature de la maladie originelle. "Il faut disposer d'une étude nationale sur le taux et le temps de guérison pour pouvoir faire cette chirurgie reconstructrice en toute sécurité". Par pudeur, il n'a pas voulu évoquer les gros risques de rechute si le cancer n'est pas tout-à-fait éradiqué. Au-delà de l'immense champ d'intervention de la chirurgie réparatrice, elle ne donne entièrement satisfaction, ni à ceux qui la pratiquent, ni à ceux qui la subissent. "Il faut savoir que retrouver un aspect normal, sans cicatrices opératoires et sans quelques déformations, est illusoire", prévient le Dr. Madjoudj. Il est corroboré dans ses propos par ses consœurs, Dr Myriam Behloul et Dr Hassiba Oucherif, spécialisées dans la chirurgie des brûlés. “Pour les brûlures graves, aucun chirurgien, ici ou ailleurs, ne peut dire je réparerai”, soulignent-elles. L'avenir serait inévitablement dans la recherche sur les cellules souches. S. H.