Utilisation parcimonieuse d'engrais et de pesticides, spéculation, mauvaise qualité des intrants, des filières insuffisamment soutenues… autant de difficultés qui encouragent l'importation. Des sources sûres affirment que les engrais sont disponibles en qualité et en quantité. Cependant, les agriculteurs semblent peu satisfaits de la nouvelle donne qui fait que les engrais sont difficilement accessibles, ou en tout cas pas en vente libre, craignant sans doute pour leur campagne de pomme de terre de printemps. Les prix des semences ont baissé très fort, du fait même que les agriculteurs traînent les pieds, avant d'entamer la plantation de la pomme de terre de printemps, par crainte de perdre au change. Car il faudra faire vite désormais, avant la mi-mars, en espérant une bonne pluviométrie, peu ou pas de mildiou, et des produits de traitement efficaces. M. Alioui, SG de l'UNPA, déclarait à la presse, le 8 février dernier, que “60% des agriculteurs ont labouré leurs terres sans utiliser d'engrais”. Il s'attend à des rendements catastrophiques pour la campagne 2008-2009 car, selon lui, “deux entreprises accaparent le marché des engrais ; d'un côté Asmidal Annaba et de l'autre l'espagnole Fertial. Ce qui a empêché 60% des agriculteurs sur l'ensemble du territoire national d'obtenir les engrais dont ils ont besoin en temps voulu.” Or, début 2008, tombait une dépêche couperet : le gouvernement algérien a décidé de réglementer et surveiller la vente et la distribution des engrais chimiques utilisés par les agriculteurs, pour des raisons sécuritaires. Les agriculteurs craignent que les changements apportés ne réduisent les rendements agricoles. Il faut savoir que les engrais phosphatés et les nitrates d'ammonium sont utilisés aussi bien dans les cultures maraîchères qu'en céréaliculture. S'abstenir de les utiliser serait une hérésie et serait cause de rendements ridiculement bas. Les ministères de l'Agriculture, de la Défense et de l'Intérieur se sont entendus sur cette mesure après les attentats suicide qui ont visé, à Alger le 11 décembre, les bureaux des Nations unies ainsi que des bâtiments officiels. Asmidal, Fertial et les autres Au printemps de l'année 2008, le japonais Mitsubishi Heavy Industries (MHI) obtient une commande de 2,4 mds USD pour la construction d'un complexe d'engrais à Mers El-Hadjadj, en partenariat avec les coréens de Daewoo. Il s'agit d'une commande émanant de la société AlgeriaOman Fertilizer Company (El-Djazaïria El-Omania Lil Asmida), une entreprise récemment créée, détenue à 51% par le groupe omanais Suhail Bahwan Group Holding (SBGH) et à 49% par Sonatrach. La partie engineering sera confiée au groupe Daewoo, et le complexe devrait entrer en production vers 2012. À ce projet, il faudra ajouter celui de Fertiberia qui devrait construire une usine de production d'ammoniac à Arzew. Fertiberia prévoit un investissement de 721 millions d'euros dans le secteur des engrais en Algérie, répartis entre le complexe de production d'ammoniac d'Arzew (315 millions d'euros) et une prise de participation à hauteur de 66%, dans Alzofert de Annaba et Fertial d'Arzew, en même temps que la liquidation de la dette de ces entreprises à hauteur de 150 millions d'euros. L'usine d'Arzew devrait produire plus de 1 million de tonnes d'ammoniac par an. Fertiberia s'intéresse depuis longtemps à l'entreprise Asmidal reconnue comme leader dans la région pour sa production d'engrais phosphaté et azoté. Viandes rouges Les problèmes de pâturage, de la steppe qui sert de terrain de parcours aux troupeaux de camélidés, d'ovins et caprins, de l'aliment du bétail, indisponible la plupart du temps, souvent importé, se posent régulièrement avec ceux de la sécheresse. Mais tout n'est pas naturel dans ce qui se rapporte à l'élevage d'un cheptel national fort de dizaines de millions de têtes, mais dont la viande, sur pied ou chez le boucher, reste inaccessible pour la plupart des petites bourses. La consommation annuelle moyenne en Algérie se situe en dessous de 10 kg, pour les viandes rouges, et environ 12 kg pour les viandes blanches. À titre de comparaison, la consommation moyenne d'un citoyen de l'UE s'élève à 100 kg/an. Importations totales 2007 : 65 000 tonnes pour une valeur de près de 141 millions $. Importations totales 2008 : 58 000 tonnes pour une valeur de 173,5 millions $. On peut observer l'enchérissement net des prix des viandes rouges entre les deux années 2007 et 2008. Dans une contribution destinée au CIHEAM (Institut agronomique méditerranéen de Montpellier), M. Benfrid, professeur maître de la chaire d'économie et sociologie à l'INA d'El-Harrach, affirme qu'en Algérie, “la protection du marché de la viande rouge a provoqué un comportement spéculatif de l'ensemble des acteurs de la filière. L'organisation des circuits de commercialisation repose sur des réseaux d'échanges souples fondés sur des conventions tacites qui facilitent l'adaptation des agents aux signaux du marché par un ajustement des flux”. Encore une réforme, la bonne peut-être ? Fin 2008, après examen, a été entériné, l'avant-projet de loi fixant les modalités d'exploitation des terres agricoles du domaine privé de l'Etat le 14 octobre 2008, en Conseil de gouvernement. Présenté par le ministre de l'Agriculture et du Développement rural, l'avant-projet de loi vise à promouvoir la mise à niveau des exploitations agricoles par la modernisation de leur gestion, à combattre les phénomènes d'abandon des terres et de leur détournement de leur vocation et à sécuriser l'agriculteur dans ses droits d'exploitant. Il consacre ainsi le régime de la concession comme mode d'exploitation qui sera accordé à des sociétés civiles d'exploitation agricole. Ces sociétés sont constituées de personnes physiques déjà exploitantes ou titulaires de diplômes dans les spécialités relevant de l'agriculture. Production de pesticides et produits phytosanitaires : Alphyt (Algérienne des phytosanitaires), entreprise de production d'insecticides, de fongicides et de produits phytosanitaires destinés aux cultures végétales. Alphyt est une entreprise publique, SPA, qui produit et met en vente des produits destinés à l'agriculture. Les agriculteurs ont souvent reproché aux importateurs et aux services chargés du contrôle aux frontières, de négliger, ou de laisser passer des produits périmés ou inefficaces qui portent préjudice aux cultures, tout en coûtant très cher. Autre expérience, autre échec annoncé ou provoqué, celle de l'industrie du concentré de tomates dont s'enorgueillissait la région est du pays. La production de tomate industrielle se meurt, parce qu'elle ne trouve plus preneur, faute d'industrie de transformation, et une grosse partie du concentré de tomates est importée d'Espagne, de Turquie ou de Tunisie. Le déclin de l'industrie agroalimentaire profite apparemment à quelques importateurs, durant les récentes années de vaches grasses qui semblent d'ores et déjà s'éloigner, en attendant un vrai coup de pied dans la fourmilière, pour revenir au compter sur soi, avant que le tarissement des hydrocarbures ne nous y contraigne, sans recours, demain. À qui profite la mort annoncée d'une filière ? Zaïm Mohamed Moncef, porte-parole du collectif des conserveurs de l'Est affirme : “Le concentré de tomates est importé au détriment de la production locale !” Treize conserveries privées et étatiques sont à l'arrêt à l'est du pays. Ce problème ne date pas d'aujourd'hui et le problème perdure depuis longtemps, précisément depuis la décennie 1990, sans que nulle mesure n'ait réussi à le résoudre. Une léthargie qui a porté un coup fatal à toute une chaîne de conserveries qui, il n'y a pas si longtemps, couvraient les besoins de la région est en matière de transformation de produits agricoles. La situation actuelle est devenue dramatique, avec tout ce que représente, en manque à gagner pour le pays, en chômage pour la population, le fait que ces unités industrielles soient toujours à l'arrêt. Cette situation, faut-il le préciser, en partie imputable à la perte de change durant les années 1990, a entraîné un lourd préjudice pour les capitaux investis par les opérateurs. Ces derniers ont subi toutes les conséquences du taux d'intérêt élevé appliqué aux crédits d'exploitation, un taux censé destiné à maîtriser l'inflation et probablement conseillé par le FMI, fixé entre 23 et 17%. Depuis, la santé financière des conserveries n'a plus cessé de s'étioler, contraignant certains opérateurs à mettre la clé sous le paillasson. À ce taux d'intérêt appliqué aux crédits d'exploitation s'ajoutent les 10% de marge bénéficiaire imposés à ces industriels. Par la suite le PAS aidant, la volonté de reprise a été étouffée pour cause d'absence de financement des crédits de campagne ou d'investissement. Les subventions accordées par l'Etat depuis deux années sont insignifiantes. L'importation des produits alimentaires, y compris une grande partie du double concentré de tomates, a fini par mettre sur la paille les conserveurs de l'Est algérien. Les capacités de production de cette industrie étaient évaluées à 100 000 tonnes de tomate entre 2000 et 2002, mais on ne produit actuellement que 40 000 tonnes des suites de cette crise qui la ravage. Les conserveurs, regroupés dans un collectif, ont saisi officiellement les ministères de tutelle, ceux de la PME-PMI et de l'Artisanat, de l'Agriculture ainsi que le Forum des chefs d'entreprise (FCE) et la Confédération algérienne du patronat (CAP). Les dettes des conserveries du secteur public étaient totalement effacées et prises en charge par le Trésor public, tournant carrément le dos au secteur privé. Les 13 conserveries fermées ont nécessité chacune un investissement d'environ 200 milliards de centimes. Ces industries peuvent employer à temps plein ou partiel autour de 150 000 personnes en amont et en aval. Ainsi, des milliers d'agriculteurs se trouvent pénalisés et plusieurs emplois sont également perdus depuis la fermeture des 13 unités industrielles. Le porte-parole des conserveurs de l'Est a déclaré, dans une interview rapportée par la presse écrite : “Nous suggérons aussi au gouvernement de mettre en place un dispositif de soutien à la transformation de la tomate industrielle par l'octroi d'une subvention de 3 DA aux transformateurs et de 7 DA aux agriculteurs.” Pourquoi pas le Rfig ? En attendant, les grosses affaires se font et se défont à l'import. Le malheur des uns fait le bonheur des autres. En guise de conclusion : l'Algérie souhaite entrer à l'OMC. Pour cela, il lui faudra signer les accords de l'Uruguay Round, très contraignants pour les pays émergents surtout, qui n'ont pas encore mis en place une agriculture performante, mais beaucoup moins pour les pays avancés qui ont bâti leur économie sur le protectionnisme et les subventions qu'ils refusent aujourd'hui aux autres pays, les nouveaux venus qui frappent à la porte de l'OMC. La limitation du soutien aux produits agricoles chez les pays avancés n'incitera pas à produire, bien, au contraire. Comme l'Algérie est un net importateur de produits alimentaires, elle sera touchée de plein fouet sur sa facture d'importation, d'abord, puis en cas d'indisponibilité de réserves de paiement, dans sa stabilité sociale. Si elle ne se presse pas de redresser une situation inquiétante à plus d'un titre. Djamel Zidane