Avec la découverte de terroristes dans la vielle sainte de La Mecque, juste après le triple attentat de Riyad (attribué à Al-Qaïda), la dynastie wahhabite est directement visée par l'intégrisme qu'elle a nourri. Ce n'est là qu'un retour de boomerang pour un régime qui, boosté dans le rigorisme fondamentaliste, a disséminé son idéologie partout dans le monde, y compris au sein de petites communautés (musulmanes) en Occident. La famille royale avait mis tout le paquet pour propager la soumission à son idéologie. Ses multiples banques islamiques, sa toile mondiale d'associations de bienfaisance et mêmes ses actions humanitaires d'urgence étaient assujetties à la conversion et à la re-islamisation. Point d'aide sans wahhabisme. Il faut se garder de perdre de vue que le talibanisme en Afghanistan n'a été que l'extension de cette lecture moyenâgeuse de l'islam dans une société totalement délitée et très pauvre. Comme il ne faut pas oublier que tous les terrorismes (sunnites) se sont abreuvés aux sources du salafisme qui, dans l'attente de l'âge d'or mythique, prône un chemin de croix fondé sur l'embrigadement systématique de la société. La France, par exemple, se trouve aux prises avec un islam de banlieues qui n'a rien à voir avec celui des pays de ses immigrés. Le recteur de la mosquée de Paris vient d'en lever le voile en révélant que cet islam intolérant a été propagé grâce à la manne de la monarchie du Golfe. La famille wahhabite, qui pensait être tout à fait prémunie contre le phénomène terroriste, a été rattrapée dès lors que les Etats-Unis lui ont ôté leur parapluie protecteur. Après les attentats des Twin Towers (New York, 2001), l'Amérique prend conscience qu'elle aussi n'est pas à l'abri des avortons du wahhabisme. Bush siffle l'arrêt des accommodements avec Riyad, exige de la famille régnante des réformes modernistes et, pour la contraindre, il s'est invité en Irak en faisant savoir que c'est là le nouveau centre de gravité de la politique américaine dans la région. Selon sa théorie des dominos, le pétrole irakien va supplanter celui de l'Arabie Saoudite, et la famille royale ne pourra plus se prévaloir du rôle de régulateur dans l'approvisionnement de la machine occidentale. Les Saoudiens promettent de changer, mais rien n'y fait. L'Amérique est trop méfiante à l'égard d'un régime qu'elle connaît pourtant jusqu'au bout des ongles et ce, pour l'avoir instrumentalisé durant plus d'un demi-siècle contre le communisme et le nationalisme arabe. Qatar a pris la relève de Riyad pour ce qui est des bases de commandement des forces US dans la région. L'éloignement de plus en plus flagrant du protecteur américain a fragilisé tant est si bien la famille royale qu'elle est aujourd'hui ouvertement remise en cause par ses propres sujets qui lui renvoient en pleine face les préceptes de sa propre idéologie. Pour ces fanatiques du wahhabisme, la famille royale a trahi la doctrine salafite par ses accointances avec l'Occident, mais aussi par ses propres frasques. Le régime promet que les réformes ne sauraient tarder et la traque aux réseaux terroristes est menée tous azimuts. Personne n'y échappe, pas même les oulémas qui sont jetés dans le cachot après avoir été adulés, engraissés et encouragés dans la formulation de fatwas assassines à l'intention de groupuscules islamistes en action à l'étranger. Cependant, la famille royale essaye de suggérer que ces actes sont l'œuvre de “criminels” dans l'espoir, certainement, d'éviter un débat de fond sur le caractère fondamentaliste de son idéologie qui reste la source même de sa légitimité. C'est peut-être trop tard. D. B.