Les dernières actions spectaculaires de la branche Al-Qaïda dans le royaume wahhabite ont sérieusement ébranlé la famille royale. Mal en point physiquement, le souverain saoudien est sorti de son mutisme. Après avoir sous-estimé pendant de longues années le danger terroriste, l'Arabie Saoudite met maintenant les bouchées doubles dans l'espoir d'éradiquer ce fléau, que lui impose un de ses fils. En effet, l'alignement systématique de Riyad sur Washington, principale cible d'Oussama Ben Laden, a poussé ce dernier à s'attaquer à son propre pays. La revanche de l'enfant prodigue Pur produit de la CIA, qui l'a utilisé dans la guerre contre l'armée soviétique en Afghanistan, Oussama Ben Laden devient subitement en 1994 l'ennemi public numéro un des Etats-Unis. La déception du patron d'Al-Qaïda est d'autant plus grande, parce que son pays d'origine le déchoit de sa nationalité sur pression américaine. Il met en place alors son organisation et commence à s'attaquer à l'Amérique. Le 11 septembre 2001, il ébranle la maison-blanche par les retentissants attentats contre les tours jumelles du World Trade Center à New York et le Pentagone. S'affirmant contre le groupe terroriste le plus redouté de la planète, il se fixe comme objectif de harceler les Etats-Unis. Mai 2003, Ben Laden met à exécution ses menaces contre l'Arabie Saoudite, qu'il ambitionne de “nettoyer des mécréants occidentaux”. Le groupe Al-Qaïda - Arabie Saoudite passe à l'action Une organisation bien structurée, bénéficiant sans aucun doute d'une complicité à tous les niveaux et à travers tout le territoire saoudien, entame alors ses opérations terroristes. Conscients de l'importance de la coopération étrangère, notamment américaine, dans le secteur des hydrocarbures, les agents de Ben Laden multiplient alors les attaques et les attentats contre les ressortissants occidentaux. Au fil du temps, les cibles étaient bien déterminées. Ce sont les Américains, qui constituaient l'objectif recherché, pour compromettre la coopération économique très étroite existant entre Riyad et Washington. Le chef d'Al-Qaïda voulait faire d'une pierre deux coups. D'un côté, il s'attaque aux intérêts US en Arabie Saoudite et de l'autre, il isole les dirigeants du royaume wahhabite, auxquels il reproche de l'avoir trahi. La faillite d'un système politico-religieux Les Al-Saoud, fondateurs du royaume wahhabite, ont instauré un régime politique basé sur la religion qui a fini par provoquer l'ire de tous le fondamentalistes. La présence en masse des Américains sur ce territoire qui abrite les deux lieux-Saints de l'islam, à savoir La Mecque et Médine, est considérée par les intégristes comme une offense à toute la communauté musulmane. Partant de là, la famille régnante est mal vue. Son soutien aux Américains dans les deux guerres contre l'Irak n'a fait qu'accentuer ce sentiment de haine. L'absence d'aide effective aux Palestiniens et le silence observé par Riyad face à l'alignement inconditionnel des Etats-Unis sur les positions israéliennes nourrissent davantage l'hostilité du peuple saoudien envers ses dirigeants. Les agissements des Al-Saoud ne sont guère conformes aux dispositions du système politico-religieux, qu'ils ont adopté comme mode de gestion du royaume. Ceci sans parler des dépassements et gaspillages des innombrables princes de la famille royale, qui ne laissent pas les Saoudiens indifférents. Il n'en faut pas plus à l'organisation de Ben Laden pour asseoir son assise dans ce pays en recrutant à tour de bras parmi la masse. Il suffit de voir le nombre de Saoudiens qui ont épousé les thèses d'Al-Qaïda, comme l'indique la nationalité des exécuteurs des attentats du 11 septembre 2001 pour s'en convaincre. Le réveil en sursaut des Al-Saoud Frappée de plein fouet par l'hydre terroriste qu'elle alimentait il n'y a pas si longtemps, l'Arabie Saoudite refuse d'admettre la réalité au début. Mais devant la recrudescence des attentats, ils reconnaissent à demi-mot leur faillite et sortent les grands moyens pour y faire face. Même le roi Fahd Ibn Abdelaziz, qui ne règne plus à cause de son état de santé fragile, se met de la partie. Il a promis une guerre sans merci à ce qu'il a qualifié de “groupe subversif conduit par une pensée déviante”. Dans son discours, Fahd a assuré que “l'Arabie Saoudite menait des réformes qu'elle considérait comme adéquates” laissant entendre que celles-ci venaient de l'intérieur et n'étaient pas imposées de l'extérieur sur le modèle occidental. Sa sortie médiatique est la meilleure preuve que la menace Al-Qaïda est sérieusement prise en considération, car le souverain, qui a mis entre les mains de son frère et prince héritier Abdallah les affaires de l'Etat, n'intervient que si la question relève de la plus haute importance. Il est clair qu'il fallait réagir et vite dans l'espoir de reprendre le contrôle de la situation. Le danger est réel, car la nébuleuse de Ben Laden est bien implantée dans le royaume et la bataille est loin d'être une sinécure. Al-Qaïda promet la poursuite du djihad Une fois la mort de Abdel Aziz Ibn Issa Al-Mouqrin, le patron du groupe local d'Al-Qaïda, confirmée, un communiqué sur un site internet de cette mouvance annonce que le combat est loin d'être fini, au contraire. Al-Mouqrin aurait mis en place, selon le texte, un réseau à même de lui désigner un successeur et de poursuivre le djihad. Sa disparition “ne fait que renforcer les combattants dans leur détermination dans la voie du djihad”, lit-on encore dans le communiqué, dont le contenu ne laisse aucun doute sur la poursuite des activités terroristes en Arabie Saoudite. Une chose est sûre, le royaume wahhabite récolte aujourd'hui ce qu'il a semé auparavant en finançant pendant plus d'une décennie de nombreuses organisations intégristes, qui ont failli mettre à genoux beaucoup de pays, dont l'Algérie. K. A.