Il a été préconisé d'impliquer les sociétés civiles des “petits” Etats ainsi que les systèmes judiciaires qu'il convient de renforcer pour les rendre plus crédibles et transparents. Le débat organisé hier au centre d'études stratégiques du quotidien Echaâb était des plus intéressants et attractifs. Axée sur le thème “Cour pénale internationale et souveraineté des Etats”, la rencontre a réuni les deux juristes, Me Sahli Fadel Maya et Allaoua Laïb, ainsi que l'ambassadeur du Soudan à Alger, M. Ahmed Hamed El-Faki. Les interventions du trio se basaient essentiellement sur le mandat d'arrêt lancé par la CPI contre le président Omar El-Béchir. Evidemment, les remontrances et les dénonciations de cette décision ont pris un large temps du débat, cependant nous avons remarqué, à l'instar des présents dans la salle, que Me Sahli s'est attelée à “éclairer” l'assistance sur un aspect dont on n'a pas entendu parler en Algérie, et cela depuis le lancement du mandat d'arrêt. La juriste, experte en questions internationales, n'a pas hésité à battre en brèche, et devant l'ambassadeur soudanais, les affirmations selon lesquelles le Soudan n'avait pas à subir cette décision de la CPI puisqu'il n'en est pas membre. Voulant dépasser le leitmotiv “pourquoi seulement El-Béchir et pas Bush et les Israéliens ?” elle a déclaré : “Les pays ont oublié que dans les statuts de l'organisme international créé en 1998, il est stipulé que même si le pays n'en fait pas partie, il peut être rattrapé par le Conseil de sécurité”, tout en précisant que “la base juridique existe et on ne peut pas la contester”. Elle a tenu à rappeler que même si le Soudan n'a pas ratifié de convention, il l'a tout de même signée. Se voulant plus pragmatique, et tout en précisant qu'elle “use d'un ton libre que mon statut d'enseignante me permet”, Me Sahli ne s'est pas contentée de seulement critiquer la CPI qu'elle a accusée de “viser seulement les petits pays”. Elle a, entre autres, mis l'accent sur “les défaillances” des deux organisations, l'Union africaine et la Ligue arabe, ainsi que sur le manque de solidarité des Etats membres. Autre “cible” de la juriste, les sociétés civiles des “petits” Etats, ainsi que les systèmes judiciaires à propos desquels elle a insisté sur “la nécessité de les renforcer, de les rendre plus crédibles et transparents et surtout de donner plus d'importance à la formation des juges”. Allant toujours dans un sens “concret”, elle a appelé à remplacer la “diplomatie d'écoute” actuelle des Etats arabes et africains à l'encontre de la CPI par la formule préconisée par la secrétaire américaine, Hillary Clinton, “la diplomatie agressive”. Par contre, le juriste Allaoua Laïb s'est longuement attardé sur l'historique du droit international et les étapes qui ont amené à la création de la CPI en rappelant que lorsque la CPI fut créée par le traité de Rome en 1998, seulement 7 pays ont voté contre : Irak, Libye, Qatar, Yémen, Chine, Israël et les Etats-Unis (on remarquera que la majorité sont des pays arabes). L'ambassadeur du Soudan, de son côté, a réitéré les positions de son pays en affirmant que “la question du Darfour a débuté politique et elle ne pourra se régler que par la politique”. Il accusera tout à tour la France, les Etats-Unis, ainsi qu'Israël de vouloir déstabiliser son pays “pour diviser mon pays en petits Etats qu'ils pourront facilement manipuler”. À la fin du débat, un des caciques du FLN, Abderrahmane Belayat, a interpellé le diplomate soudanais pour lui donner un conseil : “Je vous demande de dire au président El-Béchir de ne pas s'aventurer à sortir de son pays, sinon il subira le même sort que Noriega (ancien président du Panama qui purge actuellement une peine de quarante ans de prison aux Etats-Unis, ndlr)”. L'ex-ministre des années 1980 n'omettra pas de souligner que “certes, l'immunité, ce n'est pas l'impunité mais il faut que la justice soit rendue chez nous”, avant de surprendre l'assistance en lançant à propos du procureur argentin de la CPI, M. Ocampo : “On doit en faire de même et lancer un mandat d'arrêt contre lui au niveau de la CPI. D'ailleurs, s'il continue, je ne serai pas surpris qu'il soit assassiné !” Salim Koudil