Depuis jeudi dernier, l'île de la Réunion est en ébullition. À l'initiative d'un “collectif contre la vie chère”, une opération coup-de-poing a été déclenchée contre les grandes surfaces de distribution, avant d'entamer un mouvement de grève et de manifestations lundi. L'une de ces manifestations a dégénéré, mardi, en affrontements avec les forces de l'ordre. À vingt heures locales (16 h GMT), le calme n'était toujours pas revenu à Saint-Denis de la Réunion. Quinze éléments des forces de police ont été blessés et 16 manifestants ont été interpellés à ce moment-là. Tout a été déclenché en milieu de journée devant la préfecture, à l'issue de la manifestation qui a mobilisé quelques milliers de Réunionnais. Des pierres ont été lancées contre les forces de l'ordre qui tentaient de lever un barrage routier dressé par les manifestants, en faisant usage de bombes lacrymogènes. Acculés, des jeunes qui voulaient en découdre se sont alors déployés dans les rues de la ville, où ils ont brûlé et saccagé, avant de se retirer dans le quartier du Chaudron où ils ont roué de coups un policier et tenté de piller un supermarché. Ce quartier, Le Chaudron, au nom prédestiné, avait déjà vécu, en 1991, de violentes émeutes qui ont fait 9 morts. Face à ces débordements qu'il a dénoncés, le collectif organisateur des manifestations a suspendu l'opération contre les grandes surfaces et n'a pas osé reconduire son mot d'ordre pour les jours suivants. La date du 19 mars est toutefois retenue pour une prochaine journée de mobilisation. Au sud de l'île, à Saint-Pierre, les manifestants ont fait fermer cinq supermarchés. Aucune violence notable n'a, cependant, été relevée sinon une tentative avortée de pillage d'un grand magasin. Des négociations sont engagées entre le collectif et les autorités mais, cinq jours après le début du mouvement de revendication, aucun accord n'est en vue. Ces incidents interviennent cinq jours après la dernière explosion de violence en Martinique, qui en était à son 34e jour de grève mardi. Là aussi des heurts violents ont eu lieu, notamment à l'occasion d'une opération de protestation menée par les chefs d'entreprise et les planteurs contre le blocage économique de l'île, paralysée par la grève. Ces derniers ont d'ailleurs saisi la justice, qui leur a fait droit dans leur requête de la levée des barrages qui empêchent leurs activités. Trois policiers ont même été blessés par balles. La situation semble néanmoins s'apaiser progressivement. Un accord a été signé entre le “collectif du 5 février” qui parraine le mouvement de revendication et le Medef, organisation patronale française. Tout est parti le 20 janvier d'une autre île des Antilles françaises, la Guadeloupe. À l'initiative du LKP, une organisation ponctuelle composée de syndicats et d'associations, une grève a été décrétée et dure à ce jour. Les manifestations ont été particulièrement violentes, marquées par l'assassinat d'un syndicaliste très en vue et par des négociations ardues, émaillées d'incidents. L'accord conclu entre l'Etat français et le LKP, portant sur l'augmentation des bas salaires, n'est toujours pas ratifié par le patronat. Cela a aiguisé les tensions et, de social qu'il était, le conflit est en train de prendre une autre allure et de changer de nature. Excédé par l'attitude du patronat, le porte-parole du LKP, Elie Domota, a tenu sur un plateau de la RFO, la chaîne de télévision locale, des propos qui témoignent de la profondeur du malaise et qui ont soulevé un tollé d'indignation à Paris. “Les chefs d'entreprise qui refuseront d'appliquer l'accord devront quitter la Guadeloupe”, a-t-il menacé. Avant d'ajouter : “Nous ne laisserons pas une bande de békés rétablir l'esclavage !” Les békés, ce sont les descendants des Blancs esclavagistes, qui représentent aujourd'hui la colonne vertébrale du patronat dans les départements et territoires français d'outre-mer. Des voix officielles n'ont pas manqué de se lever pour dénoncer “le dérapage” et pour traiter le LKP de “tontons macoutes”. Pour sa part, Elie Domota, assigné en justice pour “incitation à la haine raciale” promet, si son procès venait à se tenir, d'en faire une tribune politique et d'étaler la réalité sociale, économique, culturelle et historique de l'île. Mieux. Il promet un procès pour négationnisme (de l'esclavage) et révisionnisme à ses détracteurs. Décidément, la France n'a pas fini d'en découdre avec son histoire coloniale. Après avoir chopé la maladie des banlieues, la voilà malade de ses DOM TOM. M. A. Boumendil