La pénurie d'engrais pourrait compromettre sérieusement la récolte d'avril. Si les agriculteurs, représentés par l'Unpa, sont satisfaits de l'effacement de leurs dettes par le président de la République, lors de sa visite de Biskra, ceux d'entre eux qui manifestaient quelque mécontentement pour avoir payé régulièrement leurs dettes ont été, à leur tour, tranquillisés, puisque des crédits remboursables en 5 ans leur seront accordés, à en croire Alioui Mohamed, SG de l'Unpa. Naturellement, la plupart des observateurs avaient mis la déclaration présidentielle de Biskra sur le compte d'une campagne électorale précoce, ce que le SG de l'Unpa tient à démentir. Mais là où le bât blesse, c'est la flambée actuelle des prix de la pomme de terre qui culminent à 70 DA/kg, une situation apparemment récurrente pour ceux qui gardent en mémoire la période de printemps-été 2007 et la pénurie qui avait alors contraint les pouvoirs publics à importer massivement des tonnes de pomme de terre à partir d'Europe et du Canada. Si la pomme de terre d'arrière-saison est apparue en abondance dès le mois de novembre 2008, déprimant les prix qui ont dégringolé sur les marchés de gros dans la fourchette 15-17 DA, il semble bien que les mesures prises par les pouvoirs publics, destinées à encadrer le transport des engrais, ont largement dissuadé les agriculteurs de planter de la pomme de terre. En effet, trois ministères ont décidé de mettre sous contrôle strict l'utilisation, la vente, le stockage et le transport des engrais, principalement le 3x15 NPK : nitrate, phosphate, potasse, indispensable à la culture de la pomme de terre. En effet il faut un quintal d'engrais pour un quintal de pomme de terre, surtout lorsqu'il est planté au printemps. Il faut savoir aussi que la récolte principale de la pomme de terre est celle de la période printemps-été. Or, la pénurie d'engrais, réelle ou supposée, semble avoir découragé les agriculteurs qui ont même renoncé à se fournir en semences de pomme de terre, en quasi-totalité importées, ce qui a d'ailleurs réduit leurs prix chez les grossistes et les détaillants qui craignent des pertes sèches. Le quintal de la variété “timate”, par exemple, dont le prix de vente se situait entre 10 et 12 000 DA/quintal, a commencé à être cédé, dès la fin février, entre 6 et 7 000 DA. Car les agriculteurs n'ignorent pas que pour les semences à cycle moyen ou long, le dernier délai pour mettre en terre leurs patates se situe vers la mi-mars pour les régions du Tell, Centre et Est. L'Oranie, moins pluvieuse, doit planter le tubercule entre fin janvier et début février, pour éviter le fiasco. De leur côté, les pouvoirs publics chargés du secteur se veulent rassurants, à propos des prix de la pomme de terre de consommation, même si, au niveau des marchés de fruits et légumes, rien ne vient étayer pareille assurance, puisque la plupart des prix des fruits et légumes semblent avoir pris l'ascenseur. D'ici la prochaine récolte de pomme de terre, dès la fin avril et mi-mai dans la Mitidja et du côté de Aïn Defla et Mascara, on pourra y voir plus clair sans doute. En tout cas, c'est ce que laisse entendre le SG du ministère de l'Agriculture et du Développement rural, M. Sid-Ahmed Ferroukhi, qui pense néanmoins qu'“il serait nécessaire de développer la culture de variétés capables d'intensifier la production, (car) c'est la meilleure réponse à apporter à des marchés qui fonctionnent sur des flux tendus”. Par le terme de flux tendu, il faut entendre quasi-pénurie ou trop forte demande. Le SG du ministère de l'Agriculture reconnaît toutefois que l'agriculture nationale n'est pas encore en mesure de répondre aux besoins de la population algérienne, car mis en place par les pouvoirs publics pour tenter de mettre un peu d'ordre dans un marché des fruits et légumes qui est devenu une véritable pétaudière où chacun se rejette la responsabilité sur tous les autres, le Syrpalac (Système de régulation des produits à large consommation) semble déjà bien essoufflé et risque de mourir de sa belle mort si l'on n'y prend pas garde. Même si le procédé a permis, selon ses concepteurs, de réguler les prix, afin de les empêcher de s'effondrer tout en rendant disponible la pomme de terre sur les marchés. Les capacités de stockage atteignent tout de même 2 millions de m3, ce qui représente 700 000 tonnes de pomme de terre, sans compter les équipements de froid de l'ex-Onafla et Onapsa qui représentent 300 000 m3 supplémentaires qui seront incessamment récupérés par les pouvoirs publics. Reste l'essentiel : la pomme de terre qui pourrait continuer à se faire désirer pour cause de pénurie. Djamel Zidane