Les propositions de changements, sans paramètres précis, d'un candidat ou les focalisations sur des catégories de population, comme les jeunes, les femmes ou encore les travailleurs, d'un autre candidat, ne veulent plus rien dire, quand elles ne sont pas étayées non pas de promesses creuses, mais de perspectives réalistes s'appuyant sur des données fiables. Retour sur un week-end important. C'est parti, et c'est parti dans tous les sens ce week-end passé, l'ouverture de la campagne électorale ayant amplement justifié en l'espace de deux jours ce que de nombreux observateurs avaient prévu, c'est-à-dire la difficulté de discerner clairement une véritable démarche politique propre à chacun des candidats en lice pour l'élection présidentielle du 9 avril prochain. Il ne fallait pas évidemment s'attendre à associer à cette argumentation le candidat Bouteflika tant sa fonction à la tête du pays durant dix ans, son parcours politique archi connu ainsi que son passé historique, l'ont fait largement connaître ; les nouveaux paramètres de sa campagne ne pouvaient, en tout état de cause, que revenir directement ou indirectement à son discours développé le long des années écoulées. Un fait saillant se met en avant sur le plan médiatique, il faudrait sans doute le relever. L'agence officielle de presse (APS) se trouve, en effet, sensiblement en décalage, en servant une couverture pour le moins très faible, survolant quasiment un événement majeur par le moyen de morceaux très choisis des interventions des candidats. En dehors de Bouteflika, l'approche politique et économique quant à l'avenir du pays n'apparaît donc pas forcément, voire pas du tout, dans les discours des autres candidats. Elle demeure cependant omniprésente chez la seule Louisa Hanoune qui a déclaré jeudi à Sétif que son parti s'opposait à l'accord signé entre l'Algérie et l'Union européenne ainsi que son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce, et a défendu l'instauration d'impôts sur la fortune, l'égalité entre l'homme et la femme, les réformes dans les différents secteurs. En tout, elle réitérait ainsi, plus nettement, la ligne de fond centrale animant le Parti des travailleurs qu'elle préside. Certains analystes ne manqueront certainement pas de se demander ce que propose en revanche Mme Hanoune. “Je vous propose une réforme algérienne qui n'est pas dictée par le FMI, ou l'OMC, ou l'ONU”, a-t-elle dit, en ajoutant qu'il s'agira “d'une réforme qui va dans le sens des intérêts du peuple et du développement national”. Sans plus. Cela pourrait sembler insuffisant eu égard à une compétition électorale visant la magistrature suprême. Mais comme le programme du Parti des travailleurs a été assez déroulé également durant des dizaines d'années par cette femme au verbe haut et concis, on sait déjà qu'il est orienté droit vers le socialisme. Et la SG du PT a donné, durant le premier jour de la campagne, l'exemple de la Bolivie, du Venezuela et de l'Equateur en revenant sur les orientations générales de son parti. Cela a eu le mérite d'être clair. Un appel à une confrontation Ce qui l'a été un peu moins pour les quatre candidats restants de la liste. Pour le lancement de leur campagne, des candidats que des électeurs connaissent peu comme Ali Fawzi Rebaïne, Mohamed Saïd et Mohamed Djahid Younsi, ou moyennement tel que Moussa Touati, n'ont pas avancé trop d'arguments et se sont timidement affirmés ce week-end. Contrairement aux deux autres : Bouteflika qui part déjà largement favori, mais qui a marqué son choix en pariant sur une perspective d'avenir, et Louisa Hanoune qui tente quand bien même de fortifier son audience et, à travers elle, son parti et tout un mouvement politique. Personne d'entre ces derniers n'est entré dans le vif du sujet, et cela augurerait plus ou moins mal pour eux de la suite de la campagne. Les jeux sont faits ont souligné jeudi certains, qui ont parfaitement donné l'impression d'être plutôt désinvoltes devant cette éventualité. Pourtant, les politiciens le savent bien, se retrouver devant des salles vides et sans pouvoir drainer un minimum de sympathisants n'est pas la bonne solution dans une compétition électorale, a fortiori une présidentielle. Tant il est vrai que pour le long terme, et par cause d'inconsistance d'un discours qui n'attire pas ou qui n'accroche pas, ce manque répétitif d'enthousiasme du public est susceptible d'entraîner l'effacement pur et simple de l'image même du candidat de la scène politique et médiatique et de ce qu'il est censé représenter. Les exemples sont légion dans le monde. À ce stade, l'idée du Dr Mohamed Djahid Younsi, le représentant du parti El-Islah, de demander une confrontation télévisée avec Abdelaziz Bouteflika, a paru pour le moins insolite. “Je le défie s'il a un programme mieux que le mien. Je lui lance un appel à une confrontation dans laquelle le peuple algérien sera le seul juge”, a lancé Djahid Younsi qui se présente comme une alternative, mais ne propose aucun programme, lui non plus, se contentant de souligner que pour lui la compétition électorale est une occasion pour “dénoncer les aberrations du mauvais système politique”. C'est le credo mis en relief par l'écrasante majorité des candidats, qui prennent par conséquent pour positionnement de charger le pouvoir, les décideurs et le candidat Bouteflika, avec différentes manières d'interpeller ce dernier, allant de celle du représentant du parti El-Islah exigeant un tête-à-tête, à celle de Louisa Hanoune qui dit avoir “entendu un responsable…”, sans le nommer. Une première pour la responsable du Parti des travailleurs. Sans paramètres précis L'on notera aussi la présence, dès ce week-end, des secrétaires généraux respectifs du RND et du FLN, venus soutenir la candidature de Abdelaziz Bouteflika. Autant Ahmed Ouyahia et Abdelaziz Belkhadem sont à l'aise pour évoquer, chiffres à l'appui, le parcours du candidat Bouteflika. À Béchar, d'ailleurs, ce dernier a dit aux citoyens rencontrés que le prochain scrutin était “une opportunité d'évaluer ce qui a été réalisé et de rectifier s'il y a lieu”. Et d'ores et déjà il ressort que la campagne de Bouteflika va s'ajuster sur cette équation bilan et perspectives. Mais au-delà de toutes les considérations politiques, la tonalité d'ensemble manque de dynamisme pour ces premières journées de campagne qui semblent laisser comme un arrière-goût du déjà entendu. Selon les estimations préliminaires entrevues par quelques observateurs, l'explication pourrait d'abord provenir de l'absence d'une cohérence du discours des uns et des autres, qui ne cadre plus avec les aspirations de la population. Les propositions de changements, sans paramètres précis, d'un candidat ou les focalisations sur des catégories de populations, comme les jeunes, les femmes ou encore les travailleurs, d'un autre candidat, ne veulent plus rien dire, quand elles ne sont pas étayées non pas de promesses creuses, mais de perspectives réalistes s'appuyant sur des données fiables. L'après-pétrole et les fluctuations du prix du baril en sont des exemples que d'aucuns ne semblent prêts à vouloir évoquer alors que ces deux facteurs sont devenus des critères de développement qui conditionnent l'avenir du pays et des générations futures. Il reste la question capitale de la participation des électeurs, bien sûr, à l'échéance du 9 avril. La latitude des partisans du boycott (le FFS en l'occurrence en tant que parti) a été, elle, bien comprise, dans l'intérêt de l'avancement de la démocratie en Algérie. Dès ce jeudi, et devant une foule nombreuse, le premier secrétaire du FFS, Karim Tabbou, a pris la parole en plein centre-ville d'Amizour pour exhorter les citoyens à suivre le mot d'ordre du boycott prôné par son parti en prévision du scrutin. Quant à la participation, elle se prépare maintenant, plus qu'avant. Si l'appel à un accomplissement massif du geste électoral est légitime de la part des candidats, peut-il être logiquement entendu s'il n'est pas accompagné d'une plus grande vitalité, peut-être même et simplement d'une retouche plus rationnelle des propos en direction des électeurs indécis ? Ce pourrait être la question décisive de ce début de campagne. Z. F.