Réunis au 5e Forum mondial de l'eau qui s'est ouvert lundi dernier à Istanbul, les spécialistes venus des quatre coins de la planète ont abordé “avec des pincettes” mais aussi avec beaucoup de conviction la question du recyclage des eaux usées. Une solution qui n'a rien à envier au dessalement mais qui continue à buter contre ce que les participants ont appelé la barrière psychologique. L'enjeu est mondial. Face à la raréfaction des ressources hydriques, appelée à s'accentuer avec le réchauffement climatique, et à des besoins allant crescendo, l'option s'impose de fait, d'autant que la technique de recyclage est déjà en cours dans plusieurs villes. La nuance réside dans le fait que les eaux usées sont détournées dans une rivière, un bassin ou un réservoir, précise-t-on. Ce “détournement” présente comme avantage premier de permettre un affinage du traitement grâce aux écosystèmes, selon un responsable de Suez Environnement. En Australie, une unité de recyclage contribue déjà à alimenter indirectement un réservoir en eau potable de Brisbane si le niveau des réserves tombe trop bas. C'est aussi le cas à Singapour, où “l'eau recyclée représente aujourd'hui 1% de la consommation totale d'eau potable”, est-il rapporté. Le Forum d'Istanbul a eu pour but principal de sensibiliser les Etats sur la question du partage, de la gestion et du contrôle de l'eau, et celle liée aux conflits que cette ressource appelée à manquer pourrait générer dans le cas où des fleuves transfrontaliers, comme au Darfour, dans l'ouest du Soudan, en Palestine et même en Amérique (entre le Canada et les Etats-Unis pour la région des Grands Lacs), etc. La participation algérienne s'est axée autour des moyens colossaux récemment mis en œuvre par l'Etat pour mobiliser l'eau, notamment dans les régions arides du Sud, et pour se prémunir de la sécheresse, entre autres, par la production non conventionnelle de l'eau (le dessalement). Pour le docteur Lakhdar Boukerrou, enseignant chercheur en environnement à l'université de Floride (Etats-Unis), l'utilisation des eaux usées est sans conteste un moyen de limiter leur écoulement vers les rivières, donc de limiter la pollution de ces dernières mais aussi celle des mers et des océans. “La décontamination de ces eaux permet leur réutilisation. Par ailleurs, il faut savoir que les eaux usées sont une source d'eau potentielle très valable pour le secteur de l'agriculture déjà. Elles sont plus disponibles et ont un coût inférieur”, nous explique-t-il. Et d'ajouter : “En Floride, en 2006, plus de 48% des eaux usées ont été réutilisées et 4 500 hectares d'agrumes ont été irrigués par des eaux usées traitées… ”. Il ne reste donc plus qu'à franchir la fameuse barrière psychologique qui fait que les gens répugnent à boire “leurs égouts”. Plus facile à dire qu'à faire ! N. R.