Il s'indigne de la course effrénée à la présidentielle, au moment où “l'heure est grave”. Le secrétaire général du RND, M. Ahmed Ouyahia, s'en est violemment pris, hier, à ceux qui font de la présidentielle et du pouvoir “leur principale préoccupation”. Profitant de la tribune que lui offrait, hier, la conférence de presse qu'il a animée à la fin des travaux du conseil national de son parti à l'hôtel Safir Mazafran, le chef du RND a fustigé les partisans de la “harwala” (la course) à l'élection présidentielle. “Il est désolant de voir des gens se préoccuper du pouvoir et de la présidentielle, au moment où l'on assiste à la recrudescence du terrorisme et au retour de l'intégrisme”, s'indigne le patron du Rassemblement national démocratique. Pour lui, cette “course n'a fait que disloquer le pôle nationaliste qui s'est engagé dans un labyrinthe”, dans une allusion claire à son homologue du FLN, Ali Benflis. Plus incisif encore, Ahmed Ouyahia assène : “Nous lutterons contre cette position de la même manière que nous luttons contre le terrorisme.” C'est là, indubitablement, une véritable déclaration de guerre de la part du président du RND qui, implicitement, se positionne contre l'attitude du FLN, mais surtout de son secrétaire général qui brigue la magistrature suprême. Ouyahia n'a pas non plus jugé utile de se prononcer sur les attaques ayant ciblé les sièges du FLN, se contentant de cette formule sibylline : “Je n'ai aucun commentaire à faire et je n'ai pas à m'ingérer dans les affaires internes d'un parti.” À l'appui de son argumentaire, Ouyahia rappelle que son parti avait fait l'objet des mêmes attaques — lors du putsch avorté — sans qu'il demande aux autorités d'intervenir. Manière à lui de signifier que les agissements de Hadjar font partie de la cuisine interne du FLN et qu'il n'était pas obligé de les commenter. Après avoir “réglé ses comptes” au FLN, Ahmed Ouyahia s'en prend au pôle démocratique. “Où est ce pôle démocratique ? Alors que le terrorisme est en train de tuer, pas même une condamnation de ces actes n'a été enregistrée dans ce camp”, s'indigne-t-il avant de noter que “la mort est tombée dans la banalité”. Le chef du RND en veut d'autant plus que le couple terrorisme-intégrisme est toujours aussi fort. Il étonnera tout son monde en affirmant que la situation actuelle du pays ressemble à s'y méprendre à celle de 1991. “La situation est comme celle de 1991, il n' y a qu'à voir ce qui se fait dans les mosquées et dans les camps des sinistrés”, soutient Ouyahia sur un ton qui sonne comme un avertissement. Transition faite, il évoque l'agitation de ce qu'il appelle “le groupe de 10”, allusion à ceux qui ont signé la pétition réclamant la libération des deux dirigeant du FIS dissous. “Ce groupe, dit-il, fait une avancée sur l'aile politique, et les groupes terroristes intensifient leurs méfaits sur le terrain militaire.” Pour lui, il y a forcément une relation de cause à effet entre les deux phénomènes. Interrogé par Liberté sur la délégation qu'a envoyée récemment Ali Benhadj chez Djaballah, Ouyahia, railleur, qualifie ce rapprochement de “concussion”, en faisant remarquer que “l'intégrisme est un seul”. Habituellement serein, Ahmed Ouyahia, l'éradicateur invétéré, pense que l'heure est grave. “Il y a trop de signaux qui se rejoignent sur le retour de l'intégrisme”, avertit-il comme pour reléguer le débat sur la présidentielle à une espèce de fuite des responsabilités, voire de l'irresponsabilité. Et de lâcher un tantinet accusateur : “Le temps n'est pas aux jacqueries intra muros entre démocrates et nationalistes !” Dans le registre organique, sans surprise, le gros des membres du bureau sortant du RND a été reconduit. L'on enregistre également l'entrée non moins surprenante de Nouara Djaffar, Abdessalam Bouchouareb et Chiheb Seddik, qui font partie des plus proches collaborateurs de Ouyahia, au sein de l'exécutif du parti. Le conseil national a adopté presque à l'unanimité le règlement intérieur du parti, largement débattu lors du congrès et des pré-congrès régionaux. H. M. Levée de l'état d'urgence “Je suis contre” À une question de Liberté sur sa position vis-à-vis de la levée de l'état d'urgence, notamment après la déclaration favorable du général Lamari au journal cairote Al-Ahram, Ahmed Ouyahia n'a pas été de main morte pour clamer son opposition : “Ce n'est pas que je suis moins favorable ; je suis plutôt contre sa levée !” Intraitable sur cette question, quand bien même elle fait consensus au niveau des hauts responsables civiles et militaires et même des partis politiques, le SG du RND et néanmoins Chef du gouvernement la rejette sans ambages. “Rien n'a changé sur le terrain et cette mesure n'entrave pas la vie politique et l'exercice des libertés”, pense-t-il. L'indécrottable Ahmed Ouyahia dont il serait illusoire d'attendre un projet de loi annulant celui instituant l'état d'urgence crie à qui veut l'entendre : “Je n'ai pas de position saisonnière.” H. M.