Un colloque de 4 jours a été organisé la semaine dernière à Djanet par les universités d'Angers et de Blida, en collaboration avec le Centre culturel français d'Alger, sur le thème “Les littératures africaines : écriture nomade et inscription de la trace”. Afin de poursuivre le débat, une table ronde a été organisée jeudi dernier au CCF d'Alger. Le temps d'une rencontre animée par l'écrivaine ivoirienne Véronique Tadjo, le dramaturge burkinabé Aristide Tarnagda, l'écrivain soudanais Jamal Mahjoub et l'universitaire Benaouda Lebdaï, qui s'est chargé de modéré cette rencontre, la littérature africaine a été au centre du débat : quel devenir pour cette écriture dans un contexte où l'on parle d'union africaine, de panafricanisme et où l'on continue de considérer l'Afrique comme un pays et non comme un continent (d'un point de vue littéraire bien sûr) ? Hypothétique ! Lors de la table ronde de jeudi, il a d'abord été question de révéler les principaux axes du colloque de Djanet qui d'ailleurs s'inscrit dans la continuité par rapport à celui organisé il y a deux ans à Tamanrasset et qui traitait de la “Post-colonialité et comment en sortir”. M. Lebdaï a déclaré : “Durant le colloque de Djanet, nous avons réussi à avoir 4 écrivains significatifs et il y a eu une véritable communication entre eux. Rachid Boudjedra a également été présent en tant qu'invité. 4 jours durant, nous avons exploré l'idée de la trace (et ses nuances) ainsi que le nomadisme et les concepts qui s'y accolent.” En fait, le propos du colloque a été d'évoquer les écrivains africains post-coloniaux dont la littérature est marquée par les concepts de nomadisme et de trace. De plus, ce colloque (et la table ronde également) a proposé de remplacer les termes “émigration” et “exil” par “nomadisme”. Par conséquent, “nomadisme” implique “trace”. Mais y a-t-il une définition proprement dite et commune pour le terme “trace” ? Selon Benaouda Lebdaï, “on s'est rendu compte, à l'issue du colloque, que chacun avait sa propre définition”. En effet, pour Véronique Tadjo, “la trace, c'est ce désir permanent de laisser quelque chose derrière ; c'est le besoin de suivre les autres et en même temps de laisser sa propre trace. La trace, c'est essayer de retourner à l'essentiel, à ce qu'il y a de plus important dans l'être humain”. De son côté, Jamal Mahjoub pense que “les concepts de trace et de nomadisme peuvent servir d'amorce pour une recherche et une étude empirique”. Quant à la trace dans le théâtre, et selon Aristide Tarnagda, “c'est un besoin et un refus de s'effacer”. La trace est donc le besoin — humain — de perpétuer quelque chose, un souvenir peut-être, ou même une mémoire ; c'est un va-et-vient entre une “présence-absence”. Quant au nomadisme, il remplace “exil” et “émigration” (celui-ci peut être physique, intérieur et même textuel) : deux termes relatifs et représentatifs d'une forme d'écriture — africaine — très répandue à la veille des indépendances. Notons également que ces écritures-là avaient un poids et une dimension politiques très importants. À l'aube des indépendances, le “Je” individuel s'est substitué au “Nous” nationaliste. Les revendications ont alors changé, car l'Afrique est un continent et non un pays. L'écriture africaine a connu un éclatement. Par ailleurs, bien qu'intéressante, cette table ronde a tenté d'expliquer la littérature africaine comme un tout homogène, n'admettant ainsi qu'une seule lecture — la seule possible dans ce cas précis —, à savoir la lecture idéologique (ou politique). De ce fait, les trois auteurs ont eu droit à une question archaïque et très représentative du fossé entre l'Université et la création. “La littérature peut-elle changer le monde ?” Par contre, ce qui aurait été intéressant pour la littérature africaine, c'est de diversifier les points de vue, à travers notamment des lectures psychanalytiques, linguistiques et même historiques du texte. À dans deux ans, peut-être ! Sara Kharfi