Depuis sa création, l'association de lutte contre la drogue et la toxicomanie a multiplié les initiatives afin de suivre l'évolution de la situation des jeunes désœuvrés qui sont souvent victimes. “La démographie galopante, l'extrême jeunesse de la population, la déperdition scolaire, le rythme insuffisant de la création d'emplois, l'exiguïté du logement, le fardeau économique pesant sur la population active, le manque de structures socio-éducatives et de loisirs, l'éclatement de la cellule familiale, l'opposition des modèles de référence, la démission parentale et la promiscuité constituent des facteurs négatifs qui agissent directement sur le comportement psychologique et social susceptible de générer des problèmes extrêmement complexes et d'affecter gravement l'harmonie de la société. Sans formation, sans emploi, ou n'étant pas encore en âge de travailler, sans école, ni apprentissage, évoluant dans un environnement qui les a marginalisés, ces jeunes deviennent la proie facile de certains milieux nocifs et vont élargir les rangs des désœuvrés qui tenteront ensemble d'exprimer leur désarroi. Leur groupe devient un refuge dans lequel le jeune voit des avantages, à savoir, une sécurité qu'il ne trouve nulle part ailleurs, sentiment de ne plus être seul à souffrir, sentiment d'être compris et accepté, sentiment d'être fort puisque l'esprit du groupe donne le courage de faire des choses que l'on ne peut faire seul”, selon le constat fait sur la situation de la jeunesse algérienne par M. Abdelkrim Abidat dans son livre Drogue : la bête qui menace le monde. M. Abidat est membre de l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie, président du conseil et de l'organisation nationale pour la sauvegarde de l'enfance et de la jeunesse, créée en 1998. Le centre dispose d'une équipe de médecins, de psychologues, d'éducateurs et de conseillers pour répondre à toutes les questions d'ordre physique, psychique et social que peuvent poser les jeunes. Des informations, des orientations dans toutes les matières, des conseils et un soutien moral sont mis à la disposition de ces jeunes qui peuvent poser des problèmes souvent graves dans le plus strict anonymat. L'association informe les jeunes sur les problèmes liés à l'alcool, au tabac et à toute sorte de drogues. “Nous avons les moyens préventifs et nous avons créé cet organisme juste après les événements du 5 Octobre 1988 qui étaient une sorte de cri de détresse de la jeunesse algérienne. Et aussi pour essayer de trouver des solutions et des moyens préventifs et non répressifs. C'est la première association pour ces jeunes en difficultés. La question qui s'est posée à l'époque est comment peut-on se rapprocher des jeunes par un travail de proximité ? L'une des premières choses à faire était de lutter contre le chômage. Nous avons créé la première coopérative de jeunes qui a abouti à la création de 14 775 postes d'emploi dans tous les domaines pour les garçons. La deuxième chose est la prise en charge des jeunes filles. Pour ces dernières qui ont des problèmes et sans un bon niveau scolaire, nous avons pensé à des prestations à domicile. Nous avons mis à leurs dispositions des machines à coudre. Après la confection de différents articles, nous organisons des petites foires où elles exposent et vendent leurs marchandises. Cette opération a touché 8 750 jeunes filles”, a souligné M. Abidat. “Des lignes téléphoniques sont mises en service dans un souci de prévention de la jeunesse de la drogue, du tabagisme et de l'alcool. Elles sont basées sur le bénévolat. Des personnes sont formées à l'écoute par des professionnels. Elles prêtent leur oreille attentive car le principe de l'association est de savoir écouter, ne pas être directif et essayer d'amener la personne à trouver elle-même la solution à son problème. Indépendante de tout mouvement politique ou professionnel, cette association met aussi un point d'honneur à respecter la personnalité de l'appelant quels que soient ses origines, ses convictions ou son comportement. Les propos de chacun restent d'ordre confidentiel et l'anonymat est de mise”, nous expliquera M. Abidat. “Depuis la création de cette association, les appels téléphoniques se sont multipliés. Nous recevons 123 appels par jour de la part de jeunes en difficultés, de parents et d'enseignants, de magistrats et des services de sécurité.” Un premier centre spécialisé Si le fléau de la délinquance prend de l'ampleur, les moyens pour faire face sont limités. Pour un pays dont la majorité de la population est composée de jeunes, il n'existe qu'un “seul centre de rééducation pour jeunes garçons délinquants”, selon M. Abdelkrim Abidat. “Nous avons créé ce premier centre de prévention et de proximité et de psychothérapie pour la sauvegarde de la jeunesse en 1991. Nous avons des psychologues, des éducateurs et éducatrices de quartiers, des sociologues et des médecins. Une ligne verte est mise à la disposition de ces jeunes et le centre est une sorte d'observatoire de la jeunesse”, nous dira-t-il. “Nous n'avons pas de centres spécialisés. Les seuls qui existent sont ceux de Mohammadia pour les garçons et celui de Birkhadem pour les filles. Ce dernier est fermé depuis longtemps pour des travaux de rénovation et les filles sont transférées vers un centre à Blida. Pourquoi une fois le centre de Birkhadem rénové, les filles ne l'ont pas encore réintégré ? Comment voulez-vous que ces filles aient un contact permanent avec leurs familles ? Tout cela est une politique de l'Etat qui devrait changer. Le problème des centres spécialisés pour les jeunes à problèmes doit se régler. Ces jeunes n'ont pas besoin d'être enfermés. Ils ont besoin d'être écoutés et conseillés. Ces centres devraient être disponibles au niveau national et non seulement à Alger. Le problème de la délinquance est national”, soulignera M. Abidat. Et d'ajouter : “Les juges des mineurs et les services de sécurité ont du mal et des difficultés à placer ces jeunes dans des centres. Aujourd'hui, la famille, l'école et la société sont démissionnaires. L'information circule très mal, les entreprises ferment leurs portes à cette catégorie de jeunes. Que peut faire un jeune face à cette situation ? Sinon d'aller vers la drogue, l'alcool et la harga. Il n'y a aucun travail d'insertion sociale. Les secteurs concernés tels que les ministères de la Jeunesse et des Sports, de la Solidarité nationale et de l'Education nationale doivent conjuguer leurs efforts et essayer de mettre en place un programme collectif de prise en charge de la jeunesse avec des moyens concrets et non pas simplement pendant les occasions officielles.” Campagne antitabac Une campagne antitabac de cinq jours sera organisée cette semaine, au niveau du centre de prévention et de proximité psychothérapie pour la sauvegarde de la jeunesse de Mohammadia. “Nous allons sensibiliser les gens qui vont s'inscrire à cette campagne sur les dangers du tabagisme sur la santé et les convaincre à arrêter de fumer”. Il est à souligner que l'association a toujours tiré la sonnette d'alarme concernant le tabagisme. Sida Info Le sida, un autre danger qui guette les jeunes et préoccupe beaucoup l'opinion publique depuis un certain temps. Une ligne verte a été aussi mise en place pour répondre à la demande des personnes concernées, notamment avec l'infection par le VIH. L'objectif est d'informer, de conseiller et d'orienter des personnes contaminées ou ayant pu l'être lors de transfusion ou d'intervention chirurgicale. Les écoutants sont spécialement formés et répondent à des questions portant sur les examens et la recherche. Les appelants sont majoritairement des femmes. “L'association a pour objectif de venir en aide aux personnes atteintes par le VIH et reçoit beaucoup d'appels par jour. Notre rôle est de les orienter vers des médecins, des psychologues et des sociologues qui ont reçu une formation pour pouvoir répondre à toutes les questions concernant la maladie, le dépistage, la transmission ou les dernières découvertes en matière de traitement”, selon le premier responsable de l'association. La délinquance juvénile Cette dernière a pris de l'ampleur ces dernières années. Dans le cadre de la prévention et lutte contre la toxicomanie en milieu scolaire, un samu scolaire a été mis en place en 2006 par l'association. Un projet soutenu par la direction de la jeunesse et des sports de la wilaya d'Alger. “C'est une expérience unique en Algérie. Le Samu scolaire de proximité est prêt à intervenir à la moindre alerte sur les lieux éducatifs, école primaire, CEM, Lycée et CFPA. Ce projet a pour mission de promouvoir des actions de sensibilisation , d'information, de communication, d'éducation et de soutien dans le cadre de la prévention généralisée de notre population juvénile contre les fléaux sociaux, drogue, violence, tabagisme, sida et délinquance primaire. Il conduit auprès des jeunes et de leur environnement des actions éducatives et préventives nécessaires à la prise de conscience de leurs responsabilités respectives et à la coordination de leurs efforts. Il assure une assistance auprès des parents à mieux comprendre les problèmes que traversent leurs enfants.” Trois lignes vertes sont mises en service. Un psycho-bus pour les jeunes en détresse Afin de prévenir et de lutter contre la drogue dans les quartiers, un projet pilote soutenu par le ministère de la Jeunesse et des Sports a été mis en place. C'est le premier psycho-bus de proximité en Algérie. “Cette initiative tentera de répondre à la souffrance des enfants de la rue qui échappent à toute intervention éducative. L'opération psycho-bus qui s'inscrit dans le cadre de la stratégie du ministère de la Jeunesse dans la lutte et la prévention contre les maux sociaux en milieu de jeunes est une première en Algérie”, nous avouera M. Abidat. L'équipe intervenante est constituée de médecins généralistes, d'éducateurs, de sociologues et de psychologues. Ce bus “va vers le jeune en difficulté pour tenter de le mettre en confiance et de connaître les véritables raisons de ses souffrances diverses, psychologiques et sociales”. La consommation de la drogue, de l'alcool et du tabagisme est le signe d'un malaise social. La situation est alarmante et appelle des mesures urgentes. Les parents et l'école doivent jouer leur rôle important de communication et de prise en charge de ces jeunes. Quand aux pouvoirs publics, ils doivent réfléchir à une autre stratégie de prise en charge de cette jeunesse qui se retrouve devant un vide par manque de travail ou de loisirs et en face du désespoir, de la haine qui se retournent contre eux-mêmes.