La célébration de la Journée mondiale de l'hémophilie, le 17 avril de chaque année, vise à sensibiliser l'opinion publique sur une maladie hémorragique héréditaire pas très connue. Environ 1 500 Algériens souffrent de ce mal. Ils sont confrontés principalement à l'indisponibilité sporadique des médicaments antihémophiliques. L'usage du plasma congelé induit les risques de contaminations virales (hépatites, sida). L'Association algérienne des hémophiles (AAH) a choisi le cadre agréable du complexe touristique la Corne d'Or de Tipasa pour offrir à environ 300 hémophiles, dont beaucoup d'enfants, des moments de détente. Le prétexte, la Journée mondiale de l'hémophilie, commémorée le 17 avril de chaque année en souvenir de la date anniversaire du fondateur de la Fédération mondiale de l'hémophilie, Franck Schnabel, venu au monde en 1926. Des ateliers d'activités manuelles ont été animés pour les enfants. Au-delà du caractère ludique de la rencontre, l'occasion s'est avérée propice pour sensibiliser l'opinion publique sur cette maladie congénitale et génétique et poser, une énième fois, les contraintes auxquelles sont confrontées les personnes qui en sont atteintes. La présidente de l'AAH, Mlle Latifa Lemhane, reproche d'emblée au ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière de ne pas assumer convenablement ses missions, particulièrement en matière de prise en charge des maladies chroniques et de la mise en œuvre d'un programme de prévention efficient. “Si tout allait bien, on n'aurait pas eu besoin d'activer dans des associations”, lance-t-elle, pour imager la situation. Elle affirme que son organisation porte assistance aux patients, les informe sur leurs droits, les accompagne dans leurs démarches, leur organise des séances d'éducation sanitaire, mais entreprend également des cycles de formation en direction du personnel soignant ; le dernier en date a ciblé des kinésithérapeutes. “Nous sommes épaulés par des laboratoires pharmaceutiques (pour le sponsoring des formations et autres activités publiques, ndlr), car l'Etat est absent”, soulève notre interlocutrice. “On ne voit pas le ministère à l'œuvre. Malheureusement, on gère aussi le handicap et les problèmes liés aux contaminations virales”, ajoute-t-elle. À partir de là, la présidente de l'Association algérienne des hémophiles n'aura de cesse d'énumérer les failles de la prise en charge thérapeutique de l'hémophilie en Algérie. Un mal qu'elle connaît bien, puisque elle en souffre. “Même si l'hémophilie atteint essentiellement les garçons, elle peut toucher exceptionnellement des filles”, précise-t-elle. La jeune femme jure que dans certaines villes du pays, l'on continue à utiliser, chez l'hémophile, du plasma congelé. Une instruction ministérielle pour l'approvisionnement permanent non suivie Ce qui semble quelque peu incongru, du point de vue médical, car le plasma congelé contient des quantités insuffisantes de facteurs de coagulation XIII et IX. Son usage comporte, a contrario, de gros risques de contamination virales (hépatite A et B, sida, risques allergiques…). “Il est recommandé d'utiliser des produits concentrés en facteurs de coagulation VIII pour les hémophiles de type A et IX pour les hémophiles de type B, des fibrinogènes et le facteur Van-Willebrand. Mais ces deux derniers facteurs ne sont pas disponibles en Algérie. En conséquence, beaucoup de malades décèdent”, atteste Mlle Lemhane. Elle rapporte qu'une instruction ministérielle porte sur l'obligation d'acquisition de tous les médicaments antihémophiliques et de détenir un stock permanent dans toutes les pharmacies, les Centres hospitalo-universitaires et les Etablissements hospitaliers spécialisés. “Cette instruction n'est pas suivie à la lettre. Certaines structures sanitaires ne s'approvisionnent pas en ces produits.” Elle évoque le sort tragique d'une jeune fille de 19 ans, décédée l'année dernière des suites d'une hémorragie pulmonaire. “Elle a été ballottée d'un hôpital à un autre avant de rendre l'âme car le produit Van-Willbrand n'était pas disponible.” Il est triste de savoir que beaucoup d'hémophiles meurent à un âge précoce, tout simplement parce que l'on ne trouve pas de remède à leur mal. La prévalence de l'hémophilie dans le monde est de 1 garçon pour 5 000 ou une naissance sur 10 000. Environ 1 500 hémophiles sont recensés en Algérie. Ce chiffre n'est toutefois pas exhaustif. “On ne connaît pas tous les types de ce trouble héréditaire. Il existe 13 protéines de coagulation. On ne parle que des facteurs VIII et IX”, explique la présidente de l'AAH. Selon elle, il est impératif de former le personnel médical et paramédical au traitement de l'hémophilie pour éviter les complications qui guettent fatalement les personnes qui en souffrent. “Tous unis pour une meilleurs prise en charge. C'est le message de l'année”, indique-t-elle. L'association préconise le traitement à domicile, c'est-à-dire stopper l'hémorragie le plus vite possible après un traumatisme, quel que soit sa gravité, par l'injection d'une dose suffisante du médicament antihémophilique. “Nous voulons éduquer le patient ou sa famille aux gestes qui sauvent. Il faudra encore que les produits soit disponibles dans les pharmacies, car ils sont aux hémophiles ce qu'est l'insuline aux diabétiques”, affirme-t-elle. A priori, les hémophiles algériens connaissent bien leur maladie, qui n'est pourtant pas très évocatrice pour le grand public. Jeudi dernier à Tipasa, des enfants en parlaient en connaisseurs. Ils savent, au moins, qu'ils souffrent d'un déficit de coagulation de sang. S. H.