On enregistre 7 à 8 milliards de dollars de manque à gagner en raison des dysfonctionnements dans la chaîne logistique. “Les ports algériens sont très vieux et ont été réalisés à une époque où ils étaient destinés à une économie coloniale”. C'est en ces termes que Abdelkader Boumsila, ancien P-dg du port de Béjaïa, a évoqué la situation des ports algériens. Contacté hier par téléphone, notre interlocuteur expliquera que “nos ports ne peuvent pas recevoir des navires qui peuvent nous permettre une économie d'échelle”. Pour mettre en relief les insuffisances en matière d'aires de stockage, Abdelkader Boumsila notera que “nous sommes un pays qui importe beaucoup de céréales, mais malheureusement nos capacités de stockage sont faibles”. Interrogé aussi sur la prise en main des commandes du port d'Alger par les Emiratis de Dubai Port World (DPW), Abdelkader Boumsila expliquera que “ce sera un changement positif”. L'ancien P-dg du port de Béjaïa arguera que cette compagnie émiratie “réglera le problème du déchargement et éliminera les attentes en rade”. Pour rappel, depuis la mi-mars dernier, les Emiratis de Dubai Port World (DPW) prennent en charge la modernisation et l'équipement du terminal à conteneurs du port d'Alger, ainsi que la gestion du port de Djendjen. Conformément, en effet, aux accords conclus avec la partie algérienne représentée par l'Entreprise portuaire d'Alger (Epal), la nouvelle joint-venture aura pour but la mise en place des instruments techniques et juridiques pour l'entrée en activité du terminal à containers. Les Emiratis de Dubai Port World ont créé une seconde joint-venture entre DPW et l'Entreprise portuaire de Djendjen. Il faut noter à cet égard que c'est en février dernier que la société Djazaïr Port World a vu le jour. La société bénéficie d'une concession de 30 ans sur le terminal à conteneurs et prendra en charge le management. Il faut ajouter à ce propos que des investissements sont au programme pour la mise en place d'un système de gestion informatique. À cet égard, quatre portiques devraient être achetés en 2010, ce qui entraînerait un changement dans l'organisation du travail. Le P-dg de l'Epal a expliqué à un organe de presse que l'entreprise aurait pu acheter elle-même des portiques et moderniser les équipements, mais, précisait-il, elle ne dispose pas de “l'organisation” qui va avec. “Nous n'aurions pas su les maintenir et les renouveler avantageusement. En fait, nous sommes hors réseau. L'économie mondiale est organisée en réseaux. Dubai Port World nous apporte le sien, celui du 3e opérateur mondial dans les terminaux à conteneurs.” Il faut noter à cet égard que le week-end dernier, le P-dg d'Epal, Abdelhak Bourouai, avait indiqué dans un entretien à l'Agence presse service que “les délais de séjour au port ne devraient pas dépasser huit jours, un objectif que l'Epal s'attelle à atteindre dans le futur”. Pour l'ensemble de l'année 2009, l'Epal a prévu une hausse de près de 10% du trafic conteneurs qui connaît un essor important dans le monde en tant que mode de transport. En 2008, l'Epal a traité 606 000 EVP, soit une augmentation de 14% par rapport à 2007. “La même tendance devrait se poursuivre en 2009 faisant du port d'Alger le premier port du pays”, selon M. Bourouai, expliquant cette tendance par les surcoûts de transport vers les autres ports. Concernant les marchandises, le port de la capitale a traité 12,33 millions de tonnes (MT) en 2008 dont 10,20 MT à l'importation et 2,15 MT à l'exportation, soit une hausse de 9% par rapport à l'exercice 2007. Dans la perspective de faire du port d'Alger un port compétitif, une opération assainissement, entamée en août 2008, a permis de gagner 2,5 hectares d'espaces grâce à l'évacuation du matériel vétuste, la démolition du vieux bâti et l'évacuation de 2 300 tonnes de marchandises avariées. Pour rappel, Kamel Khelifa, formateur et consultant international, avait récemment évoqué lors d'une rencontre à Algex les problèmes de surcoûts engendrés par la méconnaissance des chaînes logistiques. “Il y a 7 à 8 milliards de dollars de manque à gagner que ne constate pas la balance des paiements”, dira Kamel Khelifa, pour mettre en évidence les conséquences de la non-maîtrise de la chaîne des transports. “Quand je dis le manque à gagner, je parle de l'argent que l'on peut avoir, mais qu'on n'a pas et qui est entre les mains de tiers”, expliquera à ce propos le conférencier, qui notera que la chaîne logistique n'est pas maîtrisée. “Elle commence au niveau de l'organisation des métiers où tout le monde est responsable, le chargeur, le transporteur, les auxiliaires, les transporteurs et les ports”, note-t-il. Plus précis, il expliquera que le surcoût du fait du chargeur se décline notamment à travers “le manque de culture du contrat commercial ; la méconnaissance de la valeur juridique du contrat commercial ; l'ignorance du contrat de transport et le rapport de force dans l'établissement des tarifs de fret et autres problématiques des surestaries”. Il évoquera, dans le même temps, “l'imposition des supports de transport de la remorque dans les années 1980 et aujourd'hui le conteneur, des supports de transport vétustes (fin de voyages), l'éclatement des grands trafics de lignes dans des ports étrangers pour rentabiliser les lignes (Malte, Algerisas, TangerMed…) et la faiblesse du pavillon national pour réguler les tarifs de fret et les trafics (2% de taux de couverture C/E)”.