Photo : S.Zoheir Par Salah Benreguia A l'heure des autoroutes de la mer, le développement des infrastructures portuaires s'impose comme un passage obligé pour mettre le système portuaire au diapason des évolutions et lui permettre ainsi de contribuer efficacement à la croissance et au développement de l'économie algérienne. En effet, les ports constituent le poumon de l'économie. A ce titre, ils sont censés être des générateurs de valeur ajoutée. Quid de l'Algérie ? Si la gestion de nos ports, mais surtout leur développement remontent aux premières années de l'indépendance, la situation n'a pratiquement pas changé 50 ans après. En effet, ayant évolué de manière très marginale par rapport aux changements intervenus au cours de ces 20 dernières années dans le monde des transports maritimes en général, le port algérien a accumulé fatalement d'importants retards à tous les niveaux. Les experts réunis lors d'une table ronde organisée, la semaine dernière, par le Cercle d'action et de la réflexion autour de l'entreprise (CARE) et consacrée à la gestion et au développement des ports algériens, se sont d'ailleurs accordés sur cette conclusion : «La situation de notre système portuaire n'a pas beaucoup évolué contrairement à ses similaires de la Méditerranée qui ont, depuis longtemps déjà, emprunté la bonne dynamique de mutation et pris quelques bonnes longueurs d'avance sur lui», dira un expert en management maritime. Cette assertion renseigne sur la situation de nos infrastructures portuaires qui se sont recroquevillées sur elles-mêmes. Les spécialistes en la matière qui ont participé à cette table ronde sont unanimes : la création de 10 entreprises portuaires, assurant, chacune à son niveau, les missions de service public et exerçant des prestations commerciales, a, au contraire, aggravé la situation au fil des années. En 2009, comme en 1978, 1982 ou 1995, la situation n'a pas beaucoup changé. «Les files d'attente sur rade demeurent, les séjours à quai des navires toujours assez lents, les espaces d'entreposage aussi désordonnés et obstrués qu'avant», explique Abdelkader Boumsila. Cet ancien responsable du port de Béjaïa, actuellement secrétaire général du groupe Cevital et consultant en management portuaire, a déploré l'inertie de la situation en dépit de l'instauration de textes juridiques et de lois, notamment ceux relatifs à la gestion portuaire (les modalités d'exercice des activités de remorquage, de manutention et d'acconage…). Sur les 3 000 navires sillonnant la Méditerranée, seuls 27 accèdent à nos côtes Si l'on se réfère aux chiffres et aux statistiques présentés lors de cette table ronde, on est tenté de dire que, comparativement aux autres pays de la rive nord de la Méditerranée, ainsi qu'au Maroc et à la Tunisie, nos ports accusent dangereusement un immense retard. Seulement 35 millions de tonnes hors hydrocarbures ont transité via les ports algériens en 2009 alors que le trafic méditerranéen est de l'ordre de 2 milliards de tonnes et qu'en Méditerranée 3 000 navires, dont 1 000 porte-conteneurs et 1 000 pétroliers y circulent chaque jour. Sur ces 3 000 navires sillonnant quotidiennement la Méditerranée, seuls 27 accèdent aux côtes algériennes pour se répartir inégalement entre les 10 ports de commerce. Dans ce contexte, la place de l'Algérie est des plus modestes. La faiblesse des volumes transitant par nos ports est parmi les facteurs ayant grandement concouru à situer en très mauvaise place notre pays dans le classement mondial de la logistique portuaire et l'absence d'une gestion rationnelle a bonne place. L'Algérie très loin derrière le Maroc A la lumière de ces chiffres, devrions-nous considérer irréversible toute possibilité pour notre potentiel portuaire d'accéder au niveau de son environnement méditerranéen et d'intégrer le dispositif logistique international ? Pour M Boumsila, la réponse à cette question, loin d'être aisée, nécessite préalablement de connaître l'évolution du transport maritime dans le monde au cours de ces trois dernières décennies, son impact sur les systèmes portuaires, pour enfin situer notre dispositif logistique global, par rapport aux changements intervenus et ses capacités pour se redynamiser. Deux facteurs importants sont cependant à relever, ajoute M. Boumsila. Premièrement, les entreprises portuaires ont évolué durant les deux dernières décennies, sans perspectives de changement, avec des instruments de gestion archaïques et des outils d'exploitation d'une époque disparue depuis quelques décades déjà. Deuxièmement, quelques brèches importantes se sont profilées dans le système au cours des quatre dernières années, dont la multiplication des concessions : l'une à la Société de gestion des terminaux à hydrocarbures, les trois autres, constituant une avancée certaine concernant la privatisation d'une activité portuaire, pour BMT, joint-venture à capitaux mixtes et l'autre constitué avec DWPorts. Ce qui indique un changement de fait, certes positif, mais insuffisant aux yeux de l'orateur et au vu des défis. Quelles perspectives pour les ports algériens ? Au vu de l'évolution du trafic méditerranéen, la stratégie de développement portuaire adoptée en Algérie en 2005, est, selon plusieurs experts, aujourd'hui dépassée et devrait donc subir quelques liftings. Les experts recommandent vivement la création et l'exploitation de deux ou trois ports d'envergure mondiale, d'autant que les conditions du marché en Méditerranée sont accessibles. Pour les mêmes sources, le développement de l'import-export en Algérie nécessite la réalisation, en dehors des tissus urbains, de nouveaux ports conformes aux normes internationales. L'exploitation rentable et efficace de ces futurs ports nécessite également l'acquisition d'équipements logistiques et de systèmes d'informations modernes. Un tel projet est-il facilement envisageable et réalisable ? A ce propos, les spécialistes en la matière sont optimistes, pour peu qu'une volonté politique se manifeste, diront-ils. Les atouts de succès pour de nouvelles places portuaires en Algérie sont nombreux, entre autres, la position très enviable de l'Algérie dans le pourtour méditerranéen.