À la tête du pays depuis les premières élections multiraciales de 1994, l'ANC paraît comme usé par le pouvoir. Sa faction dissidente, le Congrès du peuple (Cope), menace de lui tailler des croupières, d'autant qu'elle compte des héros de la lutte contre l'apartheid. Non, ce n'est plus le raz-de-marée du Congrès national africain (ANC), mais c'est encore le parti de Mandela qui a gagné, pour la quatrième fois consécutive, les élections législatives en Afrique du Sud. Son candidat, le controversé mais néanmoins très charismatique, Jacob Zuma, va être le prochain président, grâce à sa popularité mais aussi au soutien que lui a apporté Mandela en personne lors du dernier meeting de campagne de l'ANC. Zuma promet de faire de son mieux pour répondre aux grandes attentes des électeurs, et ce malgré la crise financière mondiale. Sa tâche ne sera pas facile d'autant que ses promesses populistes ne pourront pas grand-chose dans ce pays de près de 50 millions d'habitants, dont la majorité est frappée par une pauvreté grandissante, le chômage et une épidémie de sida. Environ 20% de la population active, 40% selon d'autres estimations, est sans emploi. Le sida fait 1 000 morts par jour et l'insécurité reste un fléau national avec en moyenne 50 homicides par jour. L'Afrique du Sud, qui est devenue une nation arc-en-ciel (multiraciale), découvre brutalement une autre catégorie de pauvres parmi ses Blancs. À la tête du pays depuis les premières élections multiraciales de 1994, l'ANC paraît comme usé par le pouvoir. Sa faction dissidente, le Congrès du peuple (COPE), menace de lui tailler des croupières, d'autant qu'elle compte des héros de la lutte contre l'apartheid. Son président, Mosiuoa Lekota, ancien ministre de la Défense, a été emprisonné aux côtés de Nelson Mandela à l'époque du régime de l'apartheid, son bras droit, Mbhazima Shilowa, est un leader syndical respecté, ex-chef du Parti communiste, et autre figure emblématique : Alan Boesak, un ecclésiastique et une icône du mouvement de libération des Noirs. Le COPE incarne l'émergence d'une nouvelle classe moyenne noire déçue par les errements de l'ANC. Il se peut que pour faire adopter des textes de loi majeurs, l'ANC ait à batailler avec sa dissidence. À moins que Zuma ne modifie la Constitution ! On retient que son successeur, Mbeki, n'a pas osé la toucher, contrairement à ses pairs du continent qui se la taillent à leur mesure. L'ANC cuvée 2009 aura donc en face de lui le COPE et l'Alliance démocratique qui s'adresse à un électorat blanc. Mais le bilan de l'ANC n'est pas fait que de noir. Même s'il n'a pas fait autant qu'il avait promis, l'ANC affiche un bilan loin d'être mauvais. Depuis 1994, plus de trois millions de maisons ont été construites pour 14 millions de personnes. Dans les townships, où les Noirs étaient confinés dans des conditions misérables durant l'apartheid, écoles et routes ont été construites. Les pauvres ont accès à l'eau et à l'électricité gratuitement. Soweto, le plus grand township de Johannesburg, est aujourd'hui un vaste chantier où foisonnent les travaux de construction. L'économie a connu une croissance sans précédent de 5% ces trois dernières années et l'an prochain, l'Afrique du Sud sera sous les feux des projecteurs comme pays organisateur de la Coupe du monde de football, l'événement sportif le plus suivi de la planète. Le pays n'a pas sombré dans une lutte entre tribus noires, comme le prédisaient les défenseurs de l'apartheid, mais beaucoup craignent un dérapage avec Zuma, un zoulou qui force la dose sur son origine tribale. Bien que le nouveau président se soit efforcé de courtiser tout le monde, y compris la minorité blanche (9% de la population), allant jusqu'à déclarer à son intention que les Afrikaners — ces descendants de colons hollandais qui ont souvent été étroitement liés au régime d'apartheid — étaient aussi africains que les Zoulous. Les riches du pays, blancs et noirs, s'inquiètent toutefois de sa rhétorique populiste, ainsi que des allégations de corruption et d'un scandale sexuel qui le visent. Ils craignent que l'aile gauche de l'ANC qui a porté au cénacle Zuma ne cherche — à travers lui — à remettre en cause la politique économique libérale peu populaire de l'ancien président Thabo Mbeki, évincé de son poste l'an dernier après une lutte de pouvoir interne à l'ANC. D. Bouatta