Voilà donc le tout nouveau leader de l'ANC contrarié dans ses plans, lui qui se voyait dans sa courbe ascendante et, le plus logiquement du monde, aux portes du pouvoir qu'il a d'ailleurs commencé à exercer de quelque manière que ce soit. C'est à peine croyable, doit-il se dire au sujet de ce qui lui arrive, c'est-à-dire que la plus haute autorité judiciaire révise le jugement de septembre dernier. Et dans deux volets, puisqu'il se retrouve rattrapé pour son affaire de corruption et l'homme qu'il à contraint à quitter le pouvoir se retrouve tout simplement blanchi. Il s'agit bien entendu de Thabo Mbeki, contraint à démissionner du poste de président de la République. Ce n'est donc rien de moins qu'un coup de théâtre. A peine lancée, la campagne électorale du parti au pouvoir en Afrique du Sud, le Congrès national africain (ANC), est déjà assombrie par les poursuites judiciaires à l'encontre de son chef, Jacob Zuma, favori à la présidence aux élections générales du deuxième trimestre 2009. L'ANC a été, samedi, le premier parti à lancer son programme électoral, promettant des emplois décents, moins de criminalité et une meilleure éducation devant quelque 80 000 supporteurs. Le populaire, mais controversé Zuma, a également promis de combattre la corruption, deux jours avant d'être à nouveau inculpé dans une affaire de pots-de-vin impliquant le groupe français d'armement Thales, alors qu'il était vice-président du pays (1999-2005). Il s'est également félicité du bilan de son parti, au pouvoir depuis la fin de l'apartheid en 1994, avec un plus grand accès à l'eau potable, à l'électricité et à la construction de maisons pour les plus pauvres. Le tribun zoulou a, cependant, admis que « beaucoup restait encore à faire » en Afrique du Sud, où 43% de la population vivent sous le seuil de pauvreté et près de 40% sont au chômage. Pour Frans Cronje, de l'Institut sud-africain sur les relations entre les races, il en faudra plus cette fois pour convaincre les quelque 21,6 millions d'électeurs. « Nous sommes tous en faveur de l'emploi, d'une baisse de la criminalité et d'un meilleur maintien de l'ordre », souligne-t-il. « L'ANC s'est rendu compte qu'avoir (...) un robinet d'eau potable, des toilettes correctes et un toit n'étaient plus suffisants pour satisfaire ses supporteurs », note ce chercheur. « Ce que tout le monde veut, c'est le statut de classe moyenne, un emploi stable, une bonne éducation et une couverture sociale ainsi qu'un futur pour ses enfants », développe M. Cronje. Ces domaines représentent autant d'échecs pour les 15 ans de gouvernement ANC, ouvrant une brèche dans laquelle comptent s'engouffrer des dissidents qui ont formé en décembre un nouveau parti, le Congrès du peuple (Cope), né d'une lutte interne entre M. Zuma et l'ex-président, Thabo Mbeki. Ces dissidents entendent également séduire les élites et la classe moyenne, mécontentes des déboires judiciaires de Jacob Zuma et de ses déclarations populistes. L'Alliance démocratique (DA), principale formation d'opposition au Parlement, a peu de chances en revanche de pouvoir rivaliser parce qu'elle reste considérée comme un parti de Blancs et de métis. « Cette élection sera le plus grand défi pour le Congrès national africain depuis 1994 », selon l'analyste Adam Habib du Conseil de recherche en sciences humaines. Après l'élection de Nelson Mandela, premier président noir d'Afrique du Sud, l'ANC a toujours dominé la scène politique et détient aujourd'hui les deux-tiers des sièges au Parlement. Sa suprématie ne devrait pas être menacée, mais seulement écornée par le Cope et malgré les accusations de corruption, M. Zuma reste un leader charismatique, proche des Sud-Africains les plus modestes. Son parti a même réitéré, lundi, son soutien indéfectible à son candidat à la présidence. « En 14 ans, la politique de l'ANC a été terne, voire pauvre, dans beaucoup de domaines, ce qui laisse le champ libre au Cope pour critiquer. Dans tous les cas, cette élection sera plus une question de personnalités que de promesses politiques », estime l'analyste politique indépendant Daniel Silke. Que pourrait donc faire l'ANC, usé par l'exercice du pouvoir, ses batailles de chefs, ses promesses non tenues, et bien mal en point avec les déboires de son chef ? C'est le grand défi auquel il fait face, bien plus que la dissidence qui n'est que le résultat de ce qui se passe en son sein.