Annoncée comme un événement et une transition pour le théâtre régional Abdelkader-Alloula d'Oran, la pièce l'Attentat (d'une heure trente) est passée par quelques moments difficiles. Les avis sont mitigés. Toutefois, Yasmina Khadra, l'auteur du roman qui a assisté à cette générale, a apprécié et même salué l'intelligence de l'adaptation. Le Théâtre régional d'Oran (TRO) a présenté jeudi dernier la générale de sa dernière production, l'Attentat, qui est une adaptation de Mourad Snouci, d'après le roman éponyme de Yasmina Khadra (2e volet de sa trilogie après les Hirondelles de Kaboul et avant les Sirènes de Bagdad), mise en scène par Ahmed Khoudi et qui représentera le TRO au festival national du théâtre professionnel d'Alger en mai prochain. Dans une salle archicomble et sous le regard attentif d'un invité très spécial, Yasmina Khadra, la pièce (tout comme le roman) relate l'histoire d'Amine Djaâfari, un médecin palestinien naturalisé israélien, qui mène une vie paisible et heureuse depuis une quinzaine d'années avec son épouse Siham, à Tel-Aviv. Mais, un jour, sa vie bascule et perd tout son sens à cause d'un attentat kamikaze. Mais pas n'importe quel attentat, car celui-ci c'est sa femme qui en est la victime et l'instigatrice. Siham, c'est le kamikaze, elle s'est fait exploser emportant avec elle plusieurs victimes, notamment des enfants, et c'est Amine lui-même qui a soigné les blessés sans savoir que sa femme est le “monstre” qui a commis ces horreurs. Torturé, rejeté, déboussolé, perdu et hagard, Amine perd le goût à la vie et son sens avec. De plus, une lettre postée par sa femme un jour avant sa mort de Bethléem accentue son désarroi lorsqu'il la reçoit. Il décide donc d'entamer une quête pour en savoir davantage sur la double vie que menait sa femme et sur les raisons qui l'ont poussé à commettre une telle infamie. Il se rend à Bethléem et marche sur ses pas. La pièce s'ouvre sur l'enquête des services secrets israéliens et l'interrogatoire que subit Amine. Puis, les tableaux se succèdent et se confondent par leur ressemblance, voire redondance. En effet, il est difficile d'adapter une pièce à partir d'un texte littéraire, mais ce n'est pas impossible ; pourtant, il y a eu beaucoup de censure dans la pièce, notamment les scènes où Amine est torturé : on ne les voit pas sur scène et c'est dommage, puisque ceci crée un semblant d'étrangeté entre les spectateurs et les péripéties. Les tableaux sont courts, deux à cinq minutes chacun, ce qui est parfois troublant puisqu'à chaque fois qu'on commence à tenir le fil de l'histoire, on le perd. Il y a une sorte de construction et de deconstruction, et même une indépendance entre les tableaux. Le propos se trouve ainsi dilué, voire écartelé. Voulant explorer et exploiter le capital des symboles à travers notamment l'entrée sur scène d'une vieille dame (incarnée par Fadéla Hachemaoui) qui représenterait la lutte palestinienne, celle-ci fait un tour sur scène d'environ 30 secondes et ressort. À peine le spectateur commence-t-il à assimiler qu'il est coupé… dans sa réflexion. Notons également beaucoup de démesure dans la pièce, notamment à travers des scènes caricaturées, ce qui a fait rire la salle qui est ainsi passée à côté du propos. De plus, il y avait un décalage entre les comédiens qui n'appartiennent pas à la même génération. Le comédien principal, Mohamed Frimahdi, a donné au personnage qu'il incarnait (Amine) une certaine mollesse : il a fait d'Amine quelqu'un de colérique et d'agressif, sans aucune nuance. En fait, on ne perçoit pas d'évolution dans le personnage ; Mohamed Frimahdi a maintenu le même rythme du début jusqu'à la fin. L'espace a été bien géré, mais ce n'est pas le cas pour les lumières. Toujours la même, la lumière n'a joué aucun rôle dans le spectacle, sauf une seule fois lorsque le spectre de Siham entre sur scène. Aucune nuance dans la lumière, aucune modération dans le jeu, une scénographie minimaliste et un rythme intense sont les principales fausses-notes de la pièce. La fin laisse le spectateur “sur sa faim”. Elle est modifiée, ouverte, mais tellement brusque et subite que c'est le deuxième attentat dans la pièce après celui commis par Siham. D'ailleurs, celui qui n'a pas lu le roman, ne comprendrait pas grand-chose ou du moins pas le propos de Yasmina Khadra. Par ailleurs, celui-ci nous a déclaré à l'issue de la représentation : “J'ai apprécié l'intelligence de l'adaptation.” C'est peut-être une adaptation intelligente, mais la pièce a quelques défauts qu'il est encore temps de modifier ; le festival professionnel n'aura lieu qu'à la fin du mois prochain.