À l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, Bouteflika a promis solennellement à la presse algérienne de favoriser sa mission qu'il a définie “d'exercice démocratique”. Son engagement a été précédé par un hommage très appuyé aux hommes de la plume dont la mission, si l'on suit le cheminement de son message, est d'approfondir “les acquis réalisés sur la voie de la consécration des principes de liberté, du droit à l'expression, à la différence et celui du consensus au service du pays”. C'est nouveau, et le message est d'autant plus fort que Bouteflika s'est engagé à ouvrir davantage les espaces de liberté et de manœuvre aux médias nationaux dont le rôle, à ses yeux, dépasse le cadre traditionnel de l'information. Bouteflika qui, au cours de son premier mandat, n'hésitait pas à traiter les journalistes nationaux de “commères de bain maure”, juge aujourd'hui que ces mêmes journalistes ont également pour rôle “d'accompagner le passage de la société à l'étape de l'après-terrorisme”. C'est une première. Le président de la République inaugure son troisième mandat avec la reconnaissance de la fonction politique, sociale et culturelle des médias, qu'il va jusqu'à qualifier “d'importante”. Admettre que la presse ne saurait évoluer à contresens des mutations de la société pour laquelle elle constitue un vecteur agissant dans la prise de conscience, c'est plus qu'un mea-culpa. C'est un appel du pied. Un appel au secours. “La presse nationale doit s'intéresser de manière soutenue à toutes les questions nécessitant débat et suivi. Elle ne doit marquer aucune hésitation à combattre les fléaux sociaux que sont la complaisance, le clientélisme, le régionalisme, la bureaucratie et la corruption. Elle doit orienter son combat contre tous les maux susceptibles de propager la culture du désespoir et de la délinquance”, a-t-il souligné, exhortant les médias à ne pas se complaire dans le rôle “d'intermédiaire inerte” ni accepter “d'être un outil entre les mains de rentiers”. Bouteflika, qui a assuré la corporation des journalistes de son respect et de son soutien, a annoncé de grands chantiers pour ce secteur. D'abord, au plan des textes, il sera procédé à leur révision au travers d'une nouvelle loi sur l'information dont les premières moutures n'avaient pas agréé la corporation des journalistes qui les ont jugées plutôt répressives. Bouteflika a demandé une autre mouture. Pour la nouvelle version, Bouteflika a affirmé qu'elle confortera la liberté de la presse selon des critères professionnels et la logique du marché, mais aussi pour répondre au besoin exprimé par la société d'une presse qui lui garantit le droit de savoir et de communiquer. La loi sera-t-elle un vrai cahier des charges démocratiques ? C'est d'autant plus la question que la démocratie à l'algérienne n'est que procédurière. L'Etat s'emploiera à faciliter l'exercice des différents organes de presse, notamment dans le domaine de la formation et de l'amélioration des services technologiques. Théoriquement, c'est une nouvelle page que veut ouvrir Bouteflika avec une presse qu'il avait, pour le moins, ignorée et malmenée avec des lois liberticides. L'engagement est-il sincère ou ce n'est que du politiquement correct à l'occasion d'une cérémonie haut en symboles et qui coïncide avec l'ouverture d'un nouveau quinquennat autrement plus difficile que les précédents ? L'adresse du Président à un secteur qui, dans les sociétés pluralistes, est le baromètre par excellence de la démocratie et des libertés démocratiques, au point de le qualifier de “quatrième pouvoir”, a tonné à la fin d'une décennie marquée par la pénalisation de l'acte de la presse avec son lot de procès et d'emprisonnements de journalistes, de suspensions de titres. Bref, par une batterie de dispositifs répressifs qui ont visé et obtenu, dans la plupart des cas, la “pacification” de lignes éditoriales. Alors Bouteflika III veut-il vraiment se réconcilier avec sa presse ? D. B.