Demain 6 mai, le Parlement sud-africain sacre Jacob Zuma président de la République. Zuma a gagné son ticket le 22 avril lors d'élections générales remportées par l'ANC avec plus de 60% des sièges, contre 20 % pour l'Alliance démocratique (parti blanc) dirigé par Helen Zille, maire du Cap, et 8 % au Congrès du peuple, (COPE), parti dissident de l'ANC. L'ANC en est sorti grand vainqueur mais il n'a pas collecté les 2/3 des voix lui permettant de modifier par voix parlementaire la Constitution. Le mandat de Zuma ne sera pas facile. D'abord, le président lui-même traîne des casseroles. Blanchi des procès de corruption, il reste controversé au sein de l'establishment pour qui il est également d'extraction très modeste et Zoulou, alors que Mandela et Mbeki étaient Khosas, de milieu bourgeois et intellectuel. Cependant, il est très populaire dans les milieux pauvres malgré sa réputation sulfureuse. Son discours populiste et démagogique inquiète les milieux d'affaires. Zuma, qui s'est formé en prison à Robben Island grâce notamment à Nelson Mandela, s'est engagé à lutter contre la pauvreté, le chômage, la criminalité qui touchent la majorité de la population noire et à accélérer la réforme agraire redistribuant 30% des terres aux Noirs. C'est que l'Afrique du Sud affronte de grands défis. Les effets de la crise financière mondiale, la première puissance du continent africain subira encore la récession avec l'inévitable montée du chômage dans un contexte de chute des prix des produits miniers. La politique volontariste de l'Etat avec ses investissements publics ne fera qu'augmenter la dette publique. Les défis sociaux sont considérables avec le VIH/Sida, la criminalité et surtout les inégalités sociales. Malgré l'existence d'une réelle démocratie, l'inquiétude est grande face à la tentation de Zuma de calquer ses pairs africains. Les autres défis relèvent de la politique étrangère. L'Afrique du Sud que Mandela a rêvé de donner en exemple pour la démocratie en Afrique, a vu cette ambition se tarir avec M'Béki qui a soutenu jusqu'au bout Mugabe au Zimbabwe, la caricature des dictatures africaines. Un an avant d'organiser la Coupe du monde de football, l'Afrique du Sud est définie comme “une poudrière” par Mgr Tutu, un Sud-africain militant de la lutte anti-apartheid, prix Nobel de la Paix. Zuma doit, à la fois, rassurer les milieux financiers blanc et même noir pour éviter la fuite des capitaux et compétences, et répondre aux aspirations des Noirs exclus de l'emploi, du revenu et de la terre. Exercice difficile auquel n'ont réussi ni Mandela ni M'Béki. D. Bouatta