Manger des têtes remonte à la plus haute antiquité. Une réminiscence païenne selon l'anthropologie. Au départ, l'indistinction. Dieux et hommes faisaient table commune, mangeant la même nourriture dans une convivialité naturelle. À l'arrivée, la confusion surmontée. Les Dieux, célestes, se nourrissent de la bonne odeur des chairs brûlées, fumet insaisissable qui correspond à leur nature immortelle et subtile. Les hommes, terrestres, mangent bouilli, une nourriture qui se consume en eux et qui, périssable, correspond à leur nature mortelle. La fumée pour les dieux et les abats pour les mortels. Les issues, selon le concept moderne de boucherie, sont aujourd'hui plus onéreuses à l'étal, que la plus tendre des chairs. Lors du traditionnel partage de la viande (ouziaa, tanachrath, nechra), abats et têtes ne sont pas compris dans les lots tirés à la courte paille, mais adjugés au plus offrant. Pratique qui atteste bien l'ancrage de la coutume. Le zelouf (zelif) délicieusement élaboré est un mets des plus apprécié en Algérie. Il renvoie à la meïda familiale, aux commémoration festives religieuses ou folkloriques. Une nourriture de partage. Quel savoir faire déployaient les mamans à repartir une tête de mouton entre les membres de la famille, autrefois toujours nombreuse! À évoquer le partage, rappelons cette belle légende qui nous vient du Mzab. Sur la colline au nord-ouest de Mélika, nous rapporte la tradition, il y avait là, autrefois une grande pierre où venait s'asseoir le Cheikh Sidi AIssa et le Cheikh Ammi Saïd Djerbi. Un jour, chacun d'eux eut la pensée de faire cuire une tête de mouton et d'en rapporter les meilleurs morceaux à son compagnon. Au moment où ils se rencontrèrent, chacun des deux chouyoukh présenta les morceaux choisis à son ami et il se trouva que c'était exactement les mêmes . On vit là, un fait miraculeux et on créa un mechehed sur les lieux. Hélas ! Bouzelouf est en voie de disparition. Rares sont les restaurants qui l'affichent sur leur carte. Seuls quelques établissements osent. Pourtant les spécialités ne manquent pas : à la vapeur, grillé, en sauce garni de pois chiche… Le nec plus ultra revient aux charbonniers des environ de Ath Yeni qui le font cuire dans de l'argile sous la braise des charbons naissant. Momo [email protected] *Le Grisbi. El Djamila (ex. La Madrague).