L'ancien videur de boîte de nuit, Avigdor Lieberman, promu chef de la diplomatie de l'Etat hébreu par la grâce des jeux de coalition imposés par le système électoral israélien, organisé sur le mode de la proportionnelle intégrale, vient de boucler une tournée en Europe, qui l'a mené respectivement en Italie, en France, en République tchèque et en Allemagne. Dans chacun des pays qu'il a visités, sa présence a suscité un malaise, à tel point que les télévisions n'en ont assuré qu'une couverture minimale. Pourtant, au plan strictement politique, il n'avait rien à craindre de ses interlocuteurs, même si, on le sait, l'Union européenne est acquise à la solution fondée sur le principe de la création rapide d'un Etat palestinien viable, perspective clairement rejetée par le nouveau ministre des Affaires étrangères et jamais encore évoquée par le gouvernement de Netanyahou. Que ce soit à Paris ou dans les autres capitales visitées, Lieberman a soigneusement esquivé la question, préférant faire la sourde oreille à chaque fois qu'elle a été évoquée. Par contre, il a axé le meilleur de ses interventions sur la menace nucléaire iranienne et il a demandé à ses vis-à-vis d'exercer davantage de pressions sur Téhéran pour l'empêcher d'accéder à l'arme atomique. Sans être un franc succès, la première sortie internationale de Lieberman, du fait même que son agenda ait été respecté, n'a pas été non plus un fiasco. Et pour cause ! Au-delà de l'homme et des controverses qu'il suscite par son appartenance à l'extrême droite israélienne, par ses positions ultranationalistes et ultraconservatrices, mais aussi par ses propos racistes, il apparaît de plus en plus qu'il traduit non pas des idées personnelles ou propres à son parti, Israël Beïtenou, mais bel et bien la politique du gouvernement israélien. Depuis sa prise de fonction le 1er avril dernier et ses déclarations scandaleuses devant la Knesset, Lieberman n'a jamais été contredit, encore moins désavoué par son Premier ministre. Mieux : Netanyahou gagne du temps, prétend n'avoir pas encore élaboré de politique pour le règlement du conflit israélo-arabe et évite minutieusement de faire allusion à l'éventualité d'un Etat palestinien souverain, se limitant à évoquer une hypothétique autonomie économique aux contours indéfinis et sans contenu précis. Au moment même où Lieberman sillonnait l'Europe, Netanyahou s'exprimait par voie satellitaire devant une conférence organisée à Washington par le lobby américain pro-israélien, sans faire à aucun moment référence à la création d'un Etat pour les Palestiniens auxquels il demande de nouveau de reconnaître Israël comme Etat juif, demande qui a déjà fait sortir de ses gonds le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Plus révélateur encore, le président Shimon Peres, s'exprimant devant la même conférence, l'a conforté et l'a suivi dans sa voie, sans jamais évoquer à son tour l'idée d'un Etat palestinien. Par contre, tout comme son Premier ministre à partir de Tel-Aviv et le ministre des Affaires étrangères en Europe, il s'est longuement étalé sur “la menace nucléaire iranienne”. C'est dire que les dirigeants israéliens, indépendamment des partis et gouvernements auxquels ils appartiennent, jouent la même partition. Dès lors, quel crédit accorder au discours européen sur la création rapide d'un Etat palestinien et quelles seraient les chances de succès de l'Administration Obama pour imposer sa solution de deux Etats ? Le sommet de Washington, qui réunira Obama et Netanyahou le 18 mai, n'en revêtira que plus d'intérêt. À suivre donc et à décrypter. M. A. Boumendil