Les accidents de la route font plus de 4 000 morts, chaque année. 80% d'entres-eux meurent d'un traumatisme crânien, selon les neurochirurgiens. Les miraculés sont exposés aux risques d'une invalidité permanente. Les lésions secondaires sont souvent plus meurtrières. “Les traumatisme crâniens sont la première cause de mortalité des accidentés de la route”, a indiqué le Pr Benbouzid, chef de service de neurochirurgie au CHU de Bab El-Oued, en marge des travaux du 59e congrès de neurochirurgie de langue française, organisé par la Société algérienne de neurochirurgie du 15 au 18 mai à l'hôtel Sheraton. Son collègue, Pr Abderrahmane Sidi Saïd, a situé la proportion des traumatismes crâniens fatals à 80% des morts enregistrés sur la voie publique. “C'est un grand problème en Algérie. Les traumatismes crâniens deviennent de plus en plus fréquents et grave”, a poursuivi Pr Benbouzid. 20 000 nouveaux traumatisés crâniens sont enregistrés chaque année dans le pays. Ce chiffre n'est toutefois pas exhaustif. Pr Benbouzid a soutenu qu'il n'est point possible de fournir des statistiques fiables, en raison de l'absence d'études sérieuses sur le phénomène. D'autant que la route, qui tue annuellement plus de 4 000 personnes et provoque des blessures à gravité variable à des dizaines de milliers d'autres, n'est pas incriminée seule. Les accidents ne sont pas rares non plus sur les chantiers du secteur du bâtiment. “Les échafaudages ne sont pas toujours solides et les ouvriers ne sont pas systématiquement équipés de casques de protection. Pendant la cueillette des olives, en Kabylie, nous enregistrons beaucoup de cas de traumatismes crâniens, qui sont causés par les chutes des dalles (niveaux de maisons en construction, ndlr)”, a ajouté le Pr Moussaoui, neurochirurgien exerçant à titre privé. À ces causes se greffent d'autres, à l'instar des accidents sportifs, professionnels, domestiques ou encore les agressions avec une arme contendante, par exemple. Les neurochirurgiens algériens regrettent l'insuffisance de structures médicales pour la prise en charge rapide et surtout efficace des personnes atteintes d'un traumatisme crânien ou une blessure médullaire (atteinte de la moelle épinière). “La prise en charge médicale a besoin d'être amélioré”, a affirmé Pr Benbouzid. Il a surtout insisté sur l'impératif d'avoir les gestes qu'il faut sur les lieux mêmes de l'accident. “Il faut mettre l'accidenté en condition avant de le transférer vers l'hôpital. Sinon, son cas s'aggravera” a-t-il précisé. La violence du choc, au moment de l'accident, provoque une lésion cérébrale primaire ou initiale, qui met en jeu le pronostic des traumatismes cranio-cérébraux graves. Le développement des lésions cérébrales secondaires, dans les minutes ou les heures qui suivent l'impact, aggrave l'état du patient, jusqu'à entraîner son décès ou induire des conséquences irréversibles. “Les lésions primaires, telles qu'une embarrure ou un hématome, peuvent se greffer, pendant les heures et les jours qui suivent le traumatisme, des lésions secondaires liées soit à des facteurs systémiques (hypotension artérielle, hypoxie... ), soit à des facteurs intracrâniens (hypertension intracrânienne, crises comitiales...). Dans les deux cas, la conséquence est constamment ischémique avec de gros risques de mortalité”, explique-t-on dans les abstracts de neurochirurgiens. “Le plus important, pour éviter les complications, n'est pas d'évacuer rapidement l'accidenté vers l'hôpital, mais de lui assurer un transfert de qualité”, a souligné le Pr Benbouzid, corroboré par son confrère Pr Moussaoui. Il est établi, dans les pays dotés d'une bonne politique de santé, que la combinaison de soins prodigués sur les lieux d'accident par une équipe d'urgence médicalisée puis une hospitalisation immédiate, entamée par des examens radiologiques (scanner et IRM) et suivie d'une intervention chirurgicale rapide, a sauvé la vie à de nombreux traumatisés cérébraux, trouvés dans un état critique et leur a même épargnés des séquelles invalidantes. Pour le Pr Moussaoui, il faut considérer, au départ, l'accidenté comme un polytraumatisé. Ce qui sous-entend le manipuler convenablement pour ne pas provoquer des lésions secondaires. À ce titre, il a prévenu contre la promptitude des citoyens à sortir les victimes de la carcasse des véhicules ou à les transporter à l'hôpital, dans leurs propres voitures, sans attendre l'ambulance. “Il ne faut surtout pas les bouger. Il faut éduquer les gens à ce comportement”, a-t-il recommandé. Au-delà, il est primordial de surveiller un adulte et particulièrement un enfant, après une chute ou un coup reçu sur la tête, même si au moment du choc, il ne semble pas présenter un malaise inquiétant. Les maux de tête, nausées, somnolence, des difficultés à marcher ou à parler… sont des signes d'alertes, car l'évolution d'un hématome peut conduire au coma dans les heures qui suivent l'accident. L'on nous cite le cas d'un adolescent, présenté, il y a quelques années, à un hôpital de Constantine, après avoir été percuté à la tête, par un ballon lors d'un match de football. Le médecin de garde le renvoie chez-lui avec une prescription d'antalgiques contre ses maux de tête, sans penser à le diriger vers un examen de radiologie ou scanner (les hôpitaux n'était pas dotés, tous, d'une IRM à l'époque). L'adolescent décède quelques heures plus tard des suites d'un traumatisme crânien non décelé. Les neurochirurgiens, rencontrés à l'hôtel Sheraton, recommandent vivement la prévention, par le port de casques pour les motards (une obligation non réprimée dans le pays), de la ceinture de sécurité et des équipements de protection dans les chantiers.