Nos patrons ont des inquiétudes ! Le Forum des chefs d'entreprise vient de présenter des études sur les effets de “l'informalisation” de l'activité économique. Ils s'alarment du tassement de la croissance industrielle “qui n'est pas imputable aux raisons habituelles, à savoir au manque de compétitivité de nos entreprises et de nos produits”, assurent-ils. Nos entrepreneurs s'inquiètent, dans la foulée, du déclin de la croissance du secteur public, du manque à gagner infligé au Trésor par le marché informel et du déficit de la Sécurité sociale découlant de la place grandissante de l'emploi informel dans l'économie. Les études du FCE font de la vente concomitante et livrent, en même temps que les angoisses patronales, tout le bien qu'elles veulent aux impôts et aux organismes sociaux. C'est ainsi que le forum résume sa revendication : “Il est indispensable que soient prises les mesures urgentes de nature à réaliser l'assainissement de notre économie de l'ensemble des pratiques frauduleuses liées à l'entrée des marchandises sur le territoire national, et l'élimination du secteur informel du commerce de gros, ainsi que des pratiques informelles observées dans le secteur formel du commerce de gros”. Pourtant, si l'on exclut les éventuels ateliers clandestins, à la chinoise, le commerce informel devrait profiter aussi à la production locale ; il concurrence le commerçant régulier, pas le producteur. Les entrepreneurs sont-ils aussi des commerçants de gros et de détail pour se sentir menacés par les grossistes et détaillants ? Quant aux importateurs, à moins de se soustraire aux taxes et droits de douane, ils ne constituent point des concurrents déloyaux dans une économie ouverte qui a tout le loisir d'organiser la préférence nationale, dans les limites de ses engagements internationaux. L'insatisfaction du forum est d'autant plus incompréhensible que, depuis la dernière campagne électorale, l'attachement à la politique économique, pour informel qu'il fut, est apparu comme total et massif. N'est-ce pas plutôt la puissance politique des secteurs commerciaux, favorisée par la nature même rentière de notre économie, qui effraie : “Plus grave encore, cette ‘informalisation' génère des masses de capitaux insoupçonnées qui risquent de s'ériger en obstacle sérieux à toute réforme du secteur”, avertit en effet le FCE. Mais c'est un choix de système et on ne peut favoriser l'emprise politique d'un système et se désoler de ses effets naturels. Etrange monde qui, à l'occasion, rappelle sans nuance son soutien à un régime à l'évidence conçu pour une économie de rente, c'est-à-dire une économie qui distribue le produit national en fonction des positions et non en fonction du travail, et qui, en même temps, lui demande de sanctionner le parasitisme ! Grave contradiction aussi : on ne peut avoir un système dont la survie ne peut-être menacée que par l'émergence d'une économie productive et en attendre une politique de développement industriel ? M. H.