Les Tigres du Sri Lanka sont décapités. Leur chef Velupillai Prabhakaran est mort. La télévision publique sri-lankaise a diffusé en boucle son corps sans vie. Le président Rajapakse a affirmé : “Nous avons totalement vaincu le terrorisme.” Si la chute de ce mouvement séparatiste met fin à trois décennies de conflit, la question tamoule reste entière. Le Sri Lanka a effectivement remporté une grande victoire, d'autant que le mouvement des Tigres, bien que sanguinaire, avait été soutenu par toutes les puissances occidentales. Même les Nations unies ont traité le conflit comme si les LTTE avaient été un Etat membre ! En 2006, les séparatistes contrôlaient encore 18 000 km de territoire, la guérilla était alors présentée comme la plus puissante du monde. Mais des défections en série et la détermination de Colombo à en découdre, malgré les répercussions négatives sur son image à l'étranger, ont finalement eu raison de la rébellion. Les Tigres ne s'étaient pas contentés d'un territoire libéré, ils avaient ouvert plusieurs autres fronts : politique, économique, diplomatique, notamment dans le domaine des droits de l'Homme et de la propagande. Le président Rajapaksa a, néanmoins, résisté à ces formidables pressions de la part des Etats-Unis et de l'ancienne puissance occupante, la Grande-Bretagne, et poursuivi la guerre contre les LTTE jusqu'à les vaincre. Mais après avoir remporté la guerre, le pays va encore devoir se battre. Les difficultés politico-économiques, qui avaient fait le lit des LTTE et dont ils s'étaient emparés pour justifier leur violence aveugle, sont loin d'être éliminées. Les réfugiés doivent être relogés et les nouvelles régions libérées doivent être démilitarisées, démocratisées et développées. La tâche est immense. Le pays est en liesse mais dans la zone des combats, le sang a coulé à flots et des dizaines de milliers de civils ont été déplacés. Rien que ce dernier mois, 250 000 réfugiés supplémentaires se sont amassés dans des camps de fortune. Le pays, déjà trop pauvre, doit panser les plaies béantes de la guerre et se lancer dans la réconciliation nationale, l'intégration et le développement de la région tamoule. Sinon, le pays n'aura pas terminé avec la question tamoule. L'île compte 25% de Tamouls, dont les revendications ne disparaîtront qu'avec la chute des Tigres. Si Colombo ne se contente que du volet militaire, la lutte pourra reprendre. Et ce, d'autant plus que les Tigres comptent encore des représentants à l'étranger, dont Selvarajah Pathmanathan, le chef des services financiers de la guérilla, à la tête d'une fortune. Quant à la diaspora tamoule, puissant soutien de la rébellion, elle demeure active. Colombo devra également en prendre compte. L'Union européenne a demandé après la mort du chef des Tigres l'ouverture d'une enquête indépendante pour “crimes de guerre” contre les autorités sri-lankaises. Depuis 1972, près de 70 000 personnes ont été tuées, dont près de 7 000 ces dernières semaines, lors de la dernière offensive de l'armée.